jeudi 13 octobre 2011

LES ATELIERS D'ÉCRITURE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE MAULÉON

Cela fait trois ans qu'ils existent, mais c'était ma première véritable participation à ces ateliers d'écriture mardi soir. ils se déroulent toutes les trois semaines à la bibliothèque de Mauléon, et sont chapeautés par l'auteur jeunesse Sophie Pavlovsky. J'étais allé à la première séance lors de leur création, mais les horaires ne me convenaient malheureusement pas, à l'époque. Aujourd'hui, c'est différent.

Donc ce soir là, le thème de travail était d'inventer une nouvelle -en une heure- à partir d'un début et d'une fin tirés au sort par l'un des participants. Voici le sujet tiré au sort (en bleu), suivi de ma participation, telle que je l'ai écrite (répétitions et bourdes incluses).

"Au milieu du long couloir de l'hôtel, il pensa qu'il devait être tard et il pressa le pas pour aller prendre sa moto dans l'encoignure où le concierge d'à côté lui permettait de la ranger. (...) Et dans ce rêve, mensonge infini, quelqu'un aussi s'était approché de lui couteau à la main, de lui qui gisait face contre ciel, les yeux fermés."

Au milieu du long couloir de l'hôtel, il pensa qu'il devait être tard et il pressa le pas pour aller prendre sa moto dans l'encoignure où le concierge d'à côté lui permettait de la ranger.
Cinq minutes après, tendu comme une corde de violon, Jean-Pierre mettait les gaz. Tandis que l'engin avalait la route, il s'enfonça profondément dans les méandres de son esprit. Dans ces récurrents moments d'abandon, il conduisait par réflexe, comme en mode automatique, guidé par la bande blanche du séparateur central qui l'hypnotisait. Il ne ressentait pas la piqûre vive de l'air, ni l'odeur âcre du bitume qui défilait sous ses roues : il était profondément enlisé dans les méandres de sa mémoire, qui ne cessait de le hanter depuis la nuit où il avait poignardé Gisèle, juste après qu'elle lui eut annoncé qu'elle le quittait.
Il se rappelait précisément de tout le déroulé de la scène : ça faisait un moment qu'ils faisaient chambre à part et ne se parlaient plus que pour l'attribution des tâches ménagères, mais ce soir là, il avait encore une fois essayé de recoller les morceaux. Comme à chaque fois, elle n'avait pas été tendre avec lui, refusant de communiquer, hâtant le pas pour éviter toute confrontation, claquant les portes pour ne pas l'entendre et le gratifiant de son éternelle expression de dégoût lorsqu'elle était forcée de le regarder en face. Ce fut la fois de trop...
Après avoir passé la soirée à se ronger les sangs, tournant et se retournant sur le canapé du salon, tout en ressassant le gâchis de leur union, cet enfant tant désiré et jamais arrivé, la trentaine pleine d'espoir, puis la quarantaine déçue, suivie de la cinquantaine aigrie, il avait enfin résolu d'en finir. Quitte à la perdre, autant que ce soit définitif!
A trois heures du matin, il avait attrapé le couteau à découper le poulet dans le tiroir à ustensiles de cuisine. Celui avec la lame tordue, mais si terriblement aiguisée. Il avait pénétré à pas de loup dans la chambre autrefois conjugale, en veillant bien à ne pas riper la moquette avec ses pieds. Pendant cinq bonnes minutes, il l'avait regardée dormir, le visage détendu, insouciante et encore belle, dans la pénombre. Puis dans un dernier élan de colère, il s'était subitement ressaisi et lui avait asséné plusieurs coups au thorax, tout en gémissant, les yeux embués de larmes.
Il pleurait doucement sur sa Honda, traversant la forêt à 130 km/h, lorsque le chevreuil sortit du fourré. Instantanément, l'afflux d'adrénaline le fit quitter ses pensées. Il crut un instant qu'il allait pouvoir l'éviter, mais la bête apeurée fit demi-tour et percuta le motard de plain fouet.
Jean-Pierre sentit quelque chose de dur et pointu perforer son foie alors qu'il voltigeait comme un pantin désarticulé au dessus de la route. Il retomba lourdement sur le sol et roula plusieurs fois sur lui-même, tandis que ce qui restait de sa moto alla s'écraser dans le décor, dans un rugissement assourdissant de ferraille broyée. Il n'en entendit pas plus. Allongé sur l'asphalte refroidit par la nuit, il ferma les paupières et s'endormit. Avant de mourir, il fit un dernier rêve.
Et dans ce rêve, mensonge infini, quelqu'un aussi s'était approché de lui couteau à la main, de lui qui gisait face contre ciel, les yeux fermés.

Ceux qui me connaissent ne vont pas manquer de me dire qu'on reconnait ma patte, et c'est bien normal. Je peux toutefois vous dire que j'ai eu du mal à me fixer après avoir lu le sujet. Je me suis retrouvé aussi con que le jour du bac, les yeux vitreux, essayant d'organiser le travail dans ma tête. Je voyais les autres participants griffer le papier à toute vitesse. ils avaient l'air super inspirés. Et moi je continuais à me creuser la cervelle pour trouver un truc qui se tienne. Au bout d'un quart d'heure à cogiter, j'ai fini par faire un plan en extrayant les mots clés du sujet.
Ce motard qui semble pressé, où va t-il ? Pourquoi rêve t-il à la fin de l'histoire, que quelqu'un veut le poignarder ? De là, j'ai fait plusieurs schémas, dont certains aboutissaient à un truc original, mais improbable. Alors j'ai suivi mon instinct. Et là ça a coulé tout seul. J'ai eu terminé le texte dans l'heure, et j'avais même commencé à le recopier au propre.
Ce qui est amusant avec ce type d'exercice de style, c'est qu'en quelques phrases ajustées à la va-vite, le résultat final en dit long sur les auteurs. J'ai particulièrement apprécié les textes de Pierre Gastéreguy et de l'autre écrivain masculin dont je ne me souviens que du prénom, Marc. Ce qu'avaient écrit les filles n'était pas mal non plus, mais bon... Trop féminin à mon goût! Un excès de testostérone, sans doute ?
Mais pour tous, je me suis demandé comment ils avaient pu pondre autant de lignes inspirées en si peu de temps. Ils sont pour la plupart plus âgés que moi, et certains suivent ces ateliers depuis le début. Il y a donc la maturité (je m'en suis rendu compte en comparant nos écrits) et l'expérience qui entrent en jeu. Néanmoins j'ai beaucoup apprécié cette première séance qui m'a permis de me forcer à me mettre devant une feuille pour écrire.
En ce moment, je procrastine pas mal sur le tome 2 de L'infection. Pas que je sois atteint par le syndrome de la page blanche, (parce que je sais exactement ce que je dois écrire et comment), mais je suis dans l'attente de réponses d'éditeurs pour le tome 1 et ça me coupe mes élans. Il va pourtant bien falloir que je m'y remette, au lieu de trouver des prétextes bidons (comme de regarder le débat des primaires socialistes à la télé, par exemple)...
Je pense (j'espère) que ces ateliers d'écriture joueront le rôle du détonateur, qui me fera m'y replonger avec ardeur et passion !

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