dimanche 25 août 2013

8ème jour et départ de Concrete... (snif!)

J'aurais mis le temps à reprendre l'écriture de ces comptes-rendus, quand même... Plus de 20 jours! Sans doute parce qu'une partie de moi aurait voulu rester aux States? Sans doute parce que les retrouvailles familiales ont accaparé mon temps libre - pour mon plus grand plaisir? Sans doute par flemme (c'est mon plus gros défaut : la flemme)? Allez savoir...
Toujours est-il qu'il y a une fin à tout. Et le départ de Concrete sonnait vraiment comme la fin du voyage. Difficile à accepter ;-)

Reconstitution d'un baraquement de bûcheron au musée de
Concrete
3/08/2013. Ce matin, dernier jour complet à Concrete WA, John (Boggs) a bien voulu me consacrer son temps pour un dernier baroud d'honneur sur ses terres (d'adoption - il est un peu comme moi en Soule : récemment intégré dans sa propre communauté). Il m'a rejoint sur le parking du Cascade Mountain Lodge, et nous avons pris mon véhicule (toujours la Chevrolet Sonic) - une fois n'est pas coutume - pour effectuer cette excursion. Mais avant de partir sur la Highway 20 en direction de Newhalem, nous nous sommes arrêtés au musée de Concrete, que je tenais absolument à voir. D'abord parce que John fait partie de l'association patrimoniale locale qui gère ces lieux, mais aussi parce que je savais que j'y trouverais des choses qui pourraient m'en apprendre davantage sur Concrete et son passé. Il faut savoir que c'était à l'origine une bourgade de bûcherons où les industriels cimentiers, reniflant les dollars au début du siècle dernier, ont fini par installer leurs entreprises florissantes jusqu'à la fin des années 80.
Poussière de ciment sur les vitres...
Mais pour des raisons de difficulté d'exploitation (plus ou moins liées à la géographie chaotique des environs), ces usines fabriquant le béton ont fini par péricliter, puis par être démontées. De cet âge d'or, ne subsiste plus que deux vieux silos ainsi qu'un bâtiment très abîmé (mais en rénovation) qui abritait les bureaux. De cette époque, on trouve quelques photos, des coupures de presse, et bien entendu tout ce qui se trouve au musée, comme ces "produits étalons" entreposés sous scellés de verre dans une caisse capitonnée : une poudre grisâtre, mélange de chaux et de silice extraite de la roche locale.
A priori, l'air devait être irrespirable et hautement cancérogène dans les années 30. En témoignent ces vitres de maison où est incrustée la fameuse poussière qui s'échappait par les cheminées des deux usines, et qui s'infiltrait partout, quoi qu'on fasse. Pour nettoyer les carreaux, ce sont les enfants qui étaient chargés d'aller chercher à la cimenterie et d'utiliser une saloperie du genre trichloréthylène, remède bien pire que le mal...

En ce qui concerne le bûcheronnage ("logging" en américain), c'est une activité qui a toujours cours aujourd'hui. Il suffit de compter les semi-remorques qui dévalent la Highway 20 à longueur de journée (et de nuit) pour s'en rendre compte. ça débite à tour de bras du grand pin de Douglas, qui finira invariablement en planches ou en papier cul.
Anciens outils de bûcherons - Musée de
Concrete
J'ai ce petit côté Idéfix (le chien d'Astérix) : ça me fend le cœur qu'on tue des arbres, surtout quand ils sont très vieux. Lorsque je suis obligé (pour X raison mais le plus rarement possible) de couper un arbre, je demande pardon à la mère Nature pour ce sacrilège. Mais ça ne soulage pas mon malaise... C'est comme si je décapitais mon grand-père.
Alors quand je vois l'exploitation à échelle industrielle de ces forêts majestueuses (et la destruction irrémédiable et sans scrupule du biotope), que ce soient celles des Cascade Mountains ou celles des Arbailles en Soule, j'ai le vertige, comme si on m'avait jeté dans une centrifugeuse à 5000 tours/minutes et l'envie de vomir m'étreint. 
Enfin bref, cette activité est bien représentée aussi dans le musée. Si je mets un mouchoir sur mes émotions primaires, c'est quand même intéressant de voir l'évolution du logging à travers les siècles (bon, ça en fait jamais que deux, de siècles, hein?). Je trouve que pour une toute petite ville de 705 habitants, ce musée à vraiment de la gueule. Mais bon, c'est sans doute dû au fait que je suis curieux de nature, et que je découvrais. Je ne suis pas certain que les jeunes locaux soient aussi intéressés que moi par leur propre histoire. 

Cascadian Organic Farm
Ensuite, nous avons repris la route. Nous nous sommes arrêtés à la Cascadian Organic Farm pour déguster une glace à la myrtille bio (j'ai pris mon putain de pied!) et visiter la ferme, dans laquelle John a travaillé il y a quelques années. L'architecture de cet endroit est inspirée des maisons japonaises traditionnelles, ou de celles des Hobbits (pour les fenêtres), au choix :-)
Un peu plus loin, nous avons marqué un arrêt dans un ancien camping, région protégée du logging où l'on trouve encore des pins de Douglas gigantesques datant vraisemblablement de plusieurs siècles. Mon Dieu, c'est purement grisant à voir. L'odeur, l'aura de ces arbres est indescriptible. C'est juste magique.
Vertigineux pin de Douglas
Encore plus loin sur la Highway 20, nous nous sommes arrêtés à Newhalem, une petite ville construite autour d'une des trois centrales hydro-électriques qui alimentent Seattle. Le Ranger local nous a indiqué un sympathique membre de la compagnie électrique de Seattle qui nous a gentiment fait visiter toute l'installation, ne lésinant pas sur les explications et l'historique du site, créé à l'origine par un certain M. Ross. Son épouse, Alice, qui avait une réputation abominable, avait fait construire d'immenses jardins enluminés autour de la centrale, et ce lieu servait d'exemple pour montrer à quel point est bonne et généreuse la fée électricité... 
Une autre époque, un autre temps...
Une Ranger qui tripote des crânes de fouines... (Orgasme!!!)
Plus loin, nous nous sommes arrêtés à un Visitor's Center (centre d'évocation de la Nature sauvage tenu par les Rangers) en pleine forêt, ou nous avons assisté à la projection d'un film sur la thématique ainsi qu'aux explications d'une Ranger concernant les rongeurs locaux. Voir cette jolie rousse en uniforme tripoter des crânes de fouines avec ces belles mains roses m'a fait frissonner le coccyx (désolé!)...

Barrage de Diablo Lake
Après ça, direction Diablo Lake, que j'avais entraperçu la veille. Nous nous sommes arrêtés au barrage, puis à l'université (oui oui, vous avez bien lu), nous avons marché un peu le long des berges de ce sublime lac (artificiel) aux eaux turquoise, puis sommes repartis vers Concrete, non sans marquer un arrêt du côté de Marblemount pour déguster une part généreuse de délicieux pie à la framboise et à la rhubarbe (il n'y avait plus de cinnamon rolls...) et rendre visite à l'une des deux créatrices du blog Written in Concrete, que je suis assidument depuis deux ans. En fin d'après-midi, nous avons retrouvé Gail au Washington Cafe and Bakery, puis sommes repartis à la brasserie de Birdsview enquiller les bières et assister au festival Birdstock, donné chaque année en faveur des sapeurs-pompiers locaux. Mais nous sommes partis relativement tôt, car le bar ne sert plus d'alcool après 9h00! C'est aussi ça, l'Amérique des excès! J'ai quitté John et Gail avec un petit pincement au cœur, en promettant de revenir à la première occasion.
Gail et John : farewell last drink... (snif!)
Arrivé à l'hôtel, je suis tombé sur Sonny qui recrutait des testeurs pour goûter sa cuisine coréenne. Je me suis plié à cet exercice avec un certain entrain. Plus tard, Sonny recrutait encore du monde pour participer à un karaoké dans son bar. Après avoir vainement tenté de refuser, j'ai fini par y aller quand même. Après tout... 
La première et la dernière fois que j'ai participé à un Karaoké, je devais avoir 20 ans et c'était à Bordeaux, au pub le Connemara (pour ceux qui connaissent). J'avais massacré "la dernière séance" de ce pauvre Eddy Mitchell, pour le plus grand plaisir de mon amie Anne Claire. Je m'étais juré de ne jamais réitérer l'expérience. Mais il ne faut jamais dire "jamais"! 
Alors après étude attentive du catalogue de chansons, pendant qu'un jeune couple de clients s'en sortait assez bien avec la rengaine interplanétaire de Carly Rae Jepsen ("So call me maybe"), j'ai choisi mon morceau. Et les amis, j'ai repris "Ram it Down" de Judas Priest! Worst cover ever! Rob Halford a dû en pleurer dans son boudoir... Il était temps d'aller au lit, car le lendemain promettait d'être long...

Avec Sonny Shin, le patron du Sonny Bear's Restaurant
sur la Highway 20, à Concrete.
4/08/2013. Je me suis levé vers 8 heures, j'ai dévoré un dernier "Hungry Bear" en prévision de la journée qui s'annonçait, puis j'ai bouclé mes sacs à dos. J'en avais désormais trois, sans compter la poche de restes de  bouffe que je me suis trimbalée jusqu'à Washington DC. Parce que oui, c'était là ma prochaine destination. J'ai quitté le Cascade Mountain Lodge vers 10 heures pour downtown Concrete (lol, l'expression), où j'ai procédé à un dernier lavage de fringues sales avant de quitter la région. Ensuite, direction Seattle. J'ai rendu ma voiture de location (qui était en excellent état ce coup-ci) et suis allé déposer mon gros sac au contrôle des bagages. 
Dans un premier temps, j'ai eu la flemme de bouger. J'ai mangé quelques saloperies que j'avais dans ma poche de bouffe, et ça m'a donné des forces et la volonté de décoller mon derrière de la banquette de la salle d'attente de l'aéroport : j'étais prêt pour une nouvelle suée.
Downtown Seattle, vu de Chinatown.
Alors j'ai pris le Seattle Light Rail jusqu'à Chinatown avec mes sacs, et j'ai marché dans la ville. C'est joli, Seattle. Relativement propre et tranquille, comme ville, bien que certains coins puent le poisson (on est au bord du Pacifique), comme le marché du port, où le parfum enivrant des fleurs multicolores se mélange à l'odeur du varech pourri en une fragrance épouvantablement écœurante, qui n'est pas sans rappeler celle d'un Sephora aux heures de forte affluence de rombières mal lavées...
Dans la 5ème avenue, il y a des bâtiments improbables à base évasée dont on se demande comment ils peuvent tenir debout en cas de tremblement de terre. On trouve aussi de vieux immeubles façon Art-Déco, accolés à des monstres de verre, de béton et d'acier ultra modernes.

ça tient comment, ça?
Plus loin, je me suis assis sur la murette qui jouxte un Starbucks Coffee, en plein dans la zone commerciale, histoire de voir si j'avais reçu des mails de mes gosses ou quelques "likes" sur mon mur Facebook. J'étais à côté de touristes américains grassouillets en train de siroter leurs énièmes cafés frappés de la journée lorsqu'un sans-abris est venu devant nous. Il a regardé tout le monde d'un œil torve et humide, puis a crié un "I'm hungry!" plein de détresse. Mais bizarrement, il m'a évité. Avec mes sacs, mes fringues crades et la sueur qui pissait dans mon dos, il a dû me prendre pour un SDF, moi aussi. J'ai voulu lui tendre des bananes qui me restaient, mais il est parti en courant quand un gros flic avec une gueule de bouledogue est venu nous déloger du muret pour nous montrer les bancs publics, quelques mètres plus loin. C'était le signal que j'attendais pour reprendre ma route vers l'aéroport de Seatac. 
J'ai passé le Security Checkpoint avec succès tout en tenant mon pantalon qui, devenu trop grand et étant délesté de sa ceinture, me tombait sur les chevilles... C'est à ces grands moments de solitude-là que je me demandais si je n'allais pas devoir à nouveau remplacer ma garde-robe. Dans la zone sécurisée, j'ai trouvé un vendeur de Sushis et je me suis tapé une putain de ventrée, en prévision des 6 heures d'avion (avec escale à Chicago O'Hare) qui m'attendaient. Le reste du voyage s'est déroulé si sereinement que j'en ai un souvenir très flou. Je sais juste que je suis arrivé à l'aéroport de Baltimore en début de matinée du 5/08/2013 où un "Shuttle" m'a emmené vers 11h30 à mon auberge de jeunesse à Washington DC. En regardant mon accoutrement kaki et mes bottes d'intervention, le conducteur de la fourgonnette m'a demandé si j'étais un "Scout"... Belle promotion : Je passais de backpacker cradingue à "Ranger"!

Mais déjà, à ce moment-là, je n'avais plus qu'une idée en tête : j'allais visiter le Pentagone le lendemain matin à 11 heures!

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samedi 3 août 2013

Concrete jours 6 et 7.

A priori, c'est le Mont Shuksan, au fond... 
1-8-13. Après un bon gros petit déjeuner chez Sonny Bear's, j'ai retrouvé John sur le parking et nous sommes partis vers l'ouest, direction Sedro Wooley. Le temps était au brouillard, et nous savions parfaitement qu'il allait en être de même toute la journée. Mais tant que la pluie n'entrait pas dans la partie, ce serait quand même une bonne balade. Nous nous sommes arrêtés à la boutique des Rangers du parc National pour acheter quelques livres. Il me fallait des bouquins de vulgarisation de la Nature sauvage locale. Géologie, amphibiens, mamifères, oiseaux, végétation... J'ai pris tout ce qui a un rapport avec l'état de Washington. John a acheté une carte et un pass pour le Parc National. Je ne vous ai pas déjà dit que tout (ou presque) était payant aux States? Même les accès aux parcs! Remarquez, dans cet état, ils ne paient pas d'impôts sur le revenu, alors faut bien cracher quelque part, hein?

Les Maple Falls. 
Ensuite, Comme je voulais voir une réserve indienne, nous nous sommes arrêtés quelques instants dans celle qui se trouve à côté de Sedro Wooley. Je ne vais pas dire que j'ai été déçu parce qu'il n'y avait pas de Tee Pees, mais bon... C'est comme un village dans le village, avec ses propres règles et ses propres institutions. Rien de bien follichon, mais je m'y attendais. Puis nous sommes repartis vers Artist Point. Mais pour cela, nous avons dû remonter vers le nord et bifurquer à l'est un poil avant la frontière canadienne. C'est un endroit qui se situe entre Mount Baker et Mount Shuksan, peu après les pistes de ski de Nooksack. Autant dire que c'est assez haut dans la montagne. Donc en plein nuages ce jour là. En attendant (espérant) que ça se lève, nous nous sommes arrêtés aux Nooksack Falls, des cascades très jolies (moins que celles de Snoqualmie, mais pas mal quand même) pendant quelques minutes, puis sommes repartis vers le sommet.

Là-haut : RAS... Lamentable purée de pois et compagnie. Nous avons marché cinq minutes dans le coton, pissé un coup dans les toilettes publiques (dont j'ai fait une photo rigolote avec une "vague de neige"), mangé des Jerkys (toujours le fameux Pémikan et des noix de cajou), puis sommes redescendus tranquillement vers la civilisation. Nous avons fait une halte à Heather Meadows où nous avons assisté à une très intéressante mini-conférence sur la géologie locale donnée par un Ranger, j'en ai profité pour acheter quelques livres qui me manquaient, puis nous avons pris le chemin du retour. Ça a l'air court, comme ça, mais en réalité, le chemin est vachement long! Mais ce qui est bien, avec John, c'est qu'on a plein de choses à se raconter. Il est vraiment sympa ce gars. En fait, il est un peu comme moi chez moi : un étranger qui s'incruste dans une micro société, pour le meilleur et pour le pire (aussi, parfois) ;-)

Les toilettes de Artist Point... Désolé, les amis, je n'ai pas pu
faire mieux, même avec la meilleure volonté du monde!
Tout près de Concrete, nous nous sommes arrêtés à Birdsview, un genre de hameau où se trouve une brasserie de bières toutes aussi délicieuses les unes que les autres. Je me souviens encore de ma première bière : j'avais genre 15 ans, et je l'avais achetée dans une station Elf, à deux pas de mon collège (à l'époque, c'était plus facile). J'en avais eu envie en regardant une pub à la télé, dans laquelle on voyait un Bobby (soldat anglais en uniforme avec un chapeau à moumoute) qui se pourléchait les lèvres en écoutant le pétillement de la mousse (quelqu'un s'en souvient?). Je l'avais bue en catimini et en 5 minutes, et vomie en trente secondes (je crois que je n'avais même pas encore quitté le parking de la station service), me jurant de ne plus jamais – mais alors là JAMAIS – reboire de cette merde! Faut croire qu'on s'habitue à tout, puisqu'aujourd'hui, j'adore même la Stout (comme la Guinness, qu'on ne m'aurait pas fait boire il y a 6 mois, par exemple). Il y a un concert organisé au profit des pompiers du coin samedi soir, dans cette brasserie qui fait aussi beer garden. Je vais y aller, je pense, pour ma dernière nuit à Concrete!

Une harde de grands cerfs en liberté entre Birdsview et Concrete.
John m'a déposé à l'hôtel vers 17 heures. Et là, j'ai eu envie d'aller courir, alors j'ai chaussé mes baskets et je suis parti faire le tour de Concrete, comme le premier soir. Ensuite je suis allé manger un méga hamburger chez Sonny (manquerait plus que je maigrisse!!!), servi par une délicieuse serveuse brune du nom de Kako (ça existe, ça, comme prénom?) et je suis reparti à pieds dans le "centre ville", histoire de digérer le paquet. J'hésitais à aller boire un coup au Hub (le pub local), parce qu'il y avait pas mal de viande saoule qui beuglait dans la salle, et puis ils sont presque tous partis, alors je me suis rapproché. On m'a invité à entrer, alors j'ai parlé avec les 2-3 personnes qui étaient encore là, je me suis jeté deux shots de Jay-Dee, et je suis rentré. Sur le chemin, j'ai rencontré le shériff adjoint, armé et monté comme un Robocop (j'espère qu'il n'a pas reniflé mon haleine d'alcoolo) et je lui ai demandé de m'expliquer le rôle des différents services de police dans le comté de Skagit (prononcer Skadgite). C'est qu'il y en a un paquet et c'est à s'y perdre, croyez-moi, entre le Shériff, le Marshal, la police de la route, la police d'état, le FBI, et tout un tas d'autres services plus ou moins nébulleux! Mais grâce à ses précieux renseignements, je pense que je ne dirais pas trop de conneries dans mon livre, promis!

Challenger Ridge Winery.
2-8-13. J'ai dormi comme un bébé jusqu'à 9 heures. Sans doute un des effets du Jack Daniels? Et j'ai bien fait, vu le temps pourri qu'il faisait... Pluie et brouillard : on se serait cru en Soule au mois de mars! Il parait que c'est le climat habituel, ici. Encore une similarité avec mon chez moi...
Enfin bref, je comptais aller me faire la Sauk Mountain, mais je crains que ce ne soit pas pour cette fois!
Après un bon petit déjeuner des familles au Sonny Bear's (ça va me manquer, ça, je crois...), j'ai traîné un peu (en fait, j'ai écrit le précédent CR) puis je suis allé visiter le Challenger Ridge Winery à l'entrée de Concrete. En fait de visite, j'ai surtout goûté les vins rouges. J'ai décliné les blancs. D'abord parce que je n'y tiens pas vraiment, mais ensuite parce que je savais que j'allais faire de la route après. Inutile de tenter le diable, hein? 
Le Speakeasy de Challenger, où la Loi américaine
interdit de boire autre chose que des liqueurs
du genre Brandy...
Dans ce vignoble (originellement créé par un français qui avait trouvé des similitudes – lui aussi – avec sa propre région), ils font surtout du Pinot Noir, ce cépage qu'on utilise essentiellement en Bourgogne. Ils font aussi des assemblages sympa. Si je puis me permettre, je vous conseille le Mystic Red, un superbe vin composé de Cabernets Franc et Sauvignon, de Syrah (mon préféré), de petit Verdot et de Carmenere (je ne connaissais pas ces cépages-là). Ils en font aussi avec du Tempranillo et du Malbec. Et vous savez quoi? C'est vraiment du bon vin, en plus! Je m'en suis acheté une bouteille que je suis en train de siroter en ce moment même (en pensant à vous)!

La station service de Winthrop
Ensuite, je suis parti vers l'est. J'ai passé Rockport, Marblemount, Newhalem et j'ai poussé jusqu'à Winthrop, à environ 90 miles de Concrete. Le nom me rappelait une des usines dans laquelle j'ai travaillé lorsque j'étais agent de sécurité dans la région bordelaise, mais surtout, John m'en avait parlé et j'ai eu envie de voir l'engin. En fait, il s'agit d'un village entièrement en bois, comme dans les vieux films de Cow-Boys. Ambiance Far West avec Apaloosas assurée! Bon, ça n'a pas grand intérêt car c'est ultra touristique, avec des boutiques de souvenirs, des Stetson, des boucles de ceintures et des chemises en jean roses, etc. à gogo, mais c'est quand même rigolo à voir. De ce côté-ci, la montagne est beaucoup plus aride que vers Concrete. On dirait que le paysage et le climat changent radicalement à partir du Washington Pass (le col de Washington). D'ailleurs, il parait que plus on va vers l'est, et plus c'est désertique. Selon la dame de Challenger Ridge Winery, c'est là -bas qu'ils font pousser les cépages méridionnaux avec lesquels ils font leurs assemblages de vins.

Le Diablo Lake.
Sur le retour, je me suis arrêté au dessus du Diablo Lake (le nom m'a amusé et aurait aussi plu à mon fils, Louis) pour prendre une photo et je suis rentré. Re-hamburger chez Sonny et écriture au menu de la soirée. Je comptais repasser au Hub pour me finir, mais bof... J'ai la flemme.
Demain, je retrouve John au musée de Concrete (eh oui : il y a un musée!!!) et nous allons sans doute aller visiter Marblemount et Rockport. On verra bien... Ce sera mon dernier jour plein à Concrete, que je vais quitter à grands regrets. J'aurais eu encore tant de choses à voir, ici, au grand dam des habitants qui me demandent sans cesse ce que je fous dans ce trou paumé!

Voir toutes les photos de cette excursion? (Cliquez sur le lien!)

vendredi 2 août 2013

Concrete, jours 3, 4 et 5 (Shuksan Lake Trail & Chautauqua)

Vue du lac Baker depuis l'aire de départ du Shuksan Lake Trail
29/7/13. John était à l'heure (même un peu à l'avance) ce lundi matin. J'avais préparé mon sac de randonnée, mon bâton (je m'en suis taillé un la veille, dans un genre de châtaigner je crois, pendant ma balade au Baker River Trail – je me voyais mal trimbaler le mien depuis la France dans mes bagages...) des litres de flotte (parce que je savais qu'on allait crever de chaud et suer à grosses gouttes) et puis de quoi manger une fois sur place.
Nous nous sommes garés à proximité de la route. La voie menant au Shuksan Lake Trail est bloquée à la circulation depuis quelques années, car il y a deux gros torrents remplis de troncs coupés qui la traversent. Autrefois, les bûcherons utilisaient ce sentier pour débiter la forêt, mais ici, la Nature reprend inexorablement ses droits et c'est tant mieux. J'ai glissé en traversant les torrents. Plus de peur que de mal, fort heureusement (merci au bâton), mais j'ai dû poursuivre le chemin avec une jambe trempée et les deux chaussures gorgées d'eau. Elles sont bien mes "Aigle", mais ce ne sont vraiment pas des chaussures faites pour le tout-terrain : la semelle glisse dès que l'environnement est légèrement humide.

Le Shuksan lake, c'est ça les amis!
Il y avait du brouillard et la visibilité était très restreinte (30 mètres à tout casser). Hormis l'odeur sucrée dégagée par la pinède américaine, on aurait fort bien pu être en Soule. La montée jusqu'au départ du sentier de randonnée est longue et parsemée d'embûches. Et pour cause, un gros tronçon de la piste est recouvert d'arbres qui sont tombés cet hiver (ou celui d'avant) sous le poids du vent et de la neige. En outre, de grosses portions sont envahies de plantes diverses (dont des brassées de digitales) qui peuvent facilement monter jusqu'à 1,50 mètre. Je me suis demandé comment on arriverait à trouver l'entrée du sentier dans un bazar pareil, mais ça s'éclaircit en arrivant au bout de la piste. Parce que oui, au bout d'un moment, la piste s'arrête. Là, plus de plantes envahissantes, seulement un épais tapis de mousse sur lequel John a préféré m'attendre pendant que je gravissais le reste. J'ai compris pourquoi après coup ;-)
Coup de chance, les nuages commençaient à s'éparpiller. J'allais enfin pouvoir voir de mes propres yeux ce lac que je n'avais fait qu'entre-apercevoir sur Google maps!

ou ça aussi, d'ailleurs... C'est beau, hein?
Le départ du sentier est encore assez bien marqué (sur la carte, il est indiqué qu'il est abandonné). Je n'ai pas eu trop de souci pour me repérer, dans les premiers mètres. Mais plus ça monte, et plus le tracé du chemin officiel se confond avec ceux laissés par le passage des animaux sauvages. Et puis Bon Dieu, ce que ça grimpe et ce que ça glisse!!! Heureusement qu'il n'avait pas plu depuis plus de trois semaines, je ne sais pas ce que j'aurais fait, sinon!
Il faut parfois carrément escalader de gros rochers pour retrouver la voie, camouflée derrière des petits conifères bourrés d'épines bien piquantes et collantes. Mais j'avais tout prévu : je ne randonne JAMAIS en short et j'avais une polaire à manches longues (je crevais littéralement de chaud, d'ailleurs). A un moment, je me suis perdu. Plus de sentier, pas du tout de repère (les américains ne font pas de marques de peinture comme chez nous, mais font parfois des entailles dans les arbres – c'est le cas sur ce sentier), j'ai pensé à rebrousser chemin. Et puis je me suis rappelé l'irritante chanson de Yazz (dans les années 80) : "The only way is up". Elle avait raison, j'ai fini par retrouver la suite du parcours et en à peine une heure, j'étais au lac.

Le genre de paysage qu'on trouve autour du lac...
Du moins je le voyais d'où j'étais, c'est à dire à peu près à 200 mètres en dessous de moi. En 10 minutes de descente de cow-boy, j'y étais. C'est marrant, mais la configuration des lieux n'est pas exactement telle que je me l'imaginais. C'est évidemment beaucoup plus grand que prévu, et il y a aussi énormément d'arbres partout. Pas de roche à nu, ou alors très très haut. Il y a encore des névés assez importants ça et là, des traces d'animaux aussi (des cervidés essentiellement) et pas mal de crottes d'ours noirs. Je n'ai vu aucune des ces bêtes sauvages ni même de cougar (heureusement, sans doute... ), même si je me sentais bizarrement observé par moments. Au lac, hormis le chant de quelque geai bleu gobant des nuées de moustiques (ça par contre, il y en avait des millions – mais je m'étais badigeonné de produit pour éviter de me faire dévorer vivant), pas un bruit. Le calme absolu. Cet endroit est vraiment magnifique, appaisant, tranquille et surtout loin de toute civilisation.
Il y a quand même quelques "campfires" comme ils disent ici, autour du lac. Apparemment, l'endroit est encore apprécié des randonneurs et surtout des chasseurs. J'ai retrouvé des cartouches vides ainsi qu'une montre assez récente, à demi enfouie dans le sol.

ça c'est ce qu'on voit à l'arrivée, en haut de la crête.
J'ai pris un déjeuner rapide, puis j'ai entamé le tour du lac, histoire de voir exactement comment les lieux sont configurés pour mon histoire. Bon, je vais avoir pas mal de corrections à apporter à mon manuscrit. Finalement, j'ai bien fait de venir à Concrete!
Vers 14h15, je me suis décidé à rentrer. J'avais promis à John de le retrouver sur la piste vers 16 heures. Mais vu que je n'avais mis qu'une heure pour la montée au lac, je me suis dit qu'en trente minutes, je serais en bas. Grave erreur!!! Je me suis perdu pratiquement dès le début du sentier. L'éclairage différent sans doute? Qu'à cela ne tienne, je savais que de toute façon, il fallait descendre en biais vers la gauche. C'est ce que j'ai fait et ma foi, ça descendait assez à pic. Je devais redoubler de prudence, car le sol, instable, était jonché d'aiguilles de pin glissantes, parsemées de vieilles branches pointues sur lesquelles il ne ferait sans doute pas bon s'empaler. Par moment, j'ai dû contourner quelques ravines, et je me servais des troncs d'arbres comme freins, tellement la pente était raide.

Et voilà le sentier de randonnée, ou ce qu'il
en reste... On dirait pas comme ça, mais ça
grimpe très sévèrement, quand même...
Malgré ma vigilence, j'ai quand même raté l'aire d'arrivée (sans doute d'une vingtaine de mètres trop à droite, pas plus) et j'ai continué ma descente. Au bout d'une heure, j'ai commencé à me poser des questions, quand même. J'ai appelé John, au cas où il m'entendrait, mais pas de réponse. Encore quelques mètres, et je suis tombé sur un endroit plus dégagé. Je voyais distinctement le lac bleuté de Baker Lake et c'est là que j'ai compris que j'étais beaucoup trop bas (d'au moins 500 mètres, voire plus) et trop à droite. Alors je me suis retourné et j'ai remarqué un autre passage dégagé à peine à une dizaine de mètres. J'ai bien fait de m'y rendre : c'était la fameuse piste! J'ai dû la remonter sur au moins 2 miles de lacets pour arriver jusqu'à John, qui était allongé dans la mousse, casquette rabaissée sur les yeux tout en picorant tranquillement des noix de cajou. Il n'en revenait pas que j'arrive du côté opposé!
Mais ouf! Encore une fois, je m'en étais bien sorti, mais j'avoue que j'ai été traversé par un léger vent de panique pendant quelques instants, d'autant que je n'avais plus d'eau potable et que je crevais de soif.

Sur le chemin du retour, j'ai pris deux litres d'eau fraiche dans une source et quel bonheur c'était de déglutir ça à toute vitesse! Nous avons dû retraverser les torrents (dans lesquels je suis retombé... on ne se refait pas), et nous sommes repartis vers Concrete, tout en discutant de choses et d'autres. John est un chic type, qui prend plaisir à m'expliquer son pays, ses coutumes, à me montrer les coins sympas... Et ça tombe bien parce que je suis curieux ;-)
Le soir, il m'a même invité au restaurant avec son épouse Gail pour fêter cette journée réussie!
Je suis rentré à l'hôtel complètement vidé, les jambes raides, les pieds paradoxalement trempés et en feu, mais j'ai dormi comme un bébé, avec de beaux rêves plein la tête.

L'un des visages peints (maison d'oiseaux) du jardin com-
munautaire de Concrete
30/7/13. Réveil à 7 heures. Après un passage rapide mais très sympa chez Jason Miller qui voulait m'interviewer pour le Concrete Herald, je devais absolument régler ce problème de banque avant de pouvoir passer à la suite. Il ne me restait plus que quelques quarters pour manger, et je savais que ça ne suffirait pas. Alors je suis allé à la Columbia Bank à Concrete pour voir s'ils pouvaient faire quelque chose, mais malgré leur gentillesse, rien à faire. Je suis parti à Sedro Wooley (une autre ville à une vingtaine de miles plus à l'ouest) pour essayer une autre banque (Wells Fargo), mais là non plus, ma carte ne voulait rien savoir. Je suis rentré à l'hôtel presque sur la réserve d'essence (le pétrole n'est pas cher ici : je fais un plein à 36$; mais les voitures têtent comme des nourissons affamés, et les distances sont trompeuses) et j'ai envoyé des mails à ma banque, sachant qu'en France, il était déjà trop tard pour que les choses avancent le jour même de ce côté de la planète.
Un wagon abandonné près de l'ancienne voie ferrée transformée
en sentier de randonnée. Tiens, ils en ont de bonnes idées,
à Concrete! Ce serait pas mal si les élus souletins en avaient
d'aussi bonnes, tiens...
Dans mon malheur, j'ai de la chance de connaître quelques personnes dans le coin. La femme de John travaille au supermarché Red Apple, qui se trouve à 50 mètres de mon hôtel. Elle m'a permis de prendre quelques victuailles que j'ai remboursées par la suite.

Après un petit tour de ville pour la forme, il était déjà 15 heures et j'étais complètement épuisé, rincé, lessivé. Je me suis allongé sur mon lit avec un livre ("Le livre de la mort", par Anonyme, tout à fait le genre de truc que j'affectionne) et je me suis endormi tout habillé. J'ai roupillé comme une masse jusqu'au lendemain matin 5 heures! Bon Dieu que ça fait du bien d'enfin lâcher prise!

John Boggs (à droite) en grand maître de la corde à sauter!
31/7/13. J'avais réglé le réveil très tôt car je devais absolument réussir à parler à ma banque via mail. Après quelques échanges du genre, je suis allé tenter une nouvelle fois ma chance au distributeur de billets de la Columbia Bank et là : Ô miracle! J'ai pu retirer 800$!!! Ouf, j'allais enfin pouvoir manger, acheter de l'essence, me faire plaisir, vivre, quoi...
J'ai donc dévoré un breakfast "Hungry Bear" (avec plein de viande, des pancakes et des patates hâchéees) au restaurant de Sonny, puis j'ai pris la voiture direction Burlington (un bled encore plus à l'ouest que Sedro Wooley) où j'ai acheté des bonnes chaussures montantes et confortables comme je les aime et pris de l'essence, et je suis rentré, après m'être perdu en essayant de retrouver la Highway 20.

La parade dans Main Street, avant le spectacle de Chautauqua
J'en ai profité que j'étais à nouveau en fonds pour aller faire un peu de lessive. Mais je me suis trompé de produit : j'ai pris de l'eau de javel au lieu de prendre la poudre habituelle. Je m'en suis rendu compte trop tard à l'odeur, en vidant le petit bidon dans la machine... Je m'attendais à retrouver mon linge tout décoloré mais coup de bol, seul un de mes pantalons kaki a pris un peu de produit et est devenu marronnasse par endroit. Ça aurait pu être pire! Pour rien au monde je n'aurais voulu ressembler à une Holstein!

Je n'ai pas mangé à midi. Le Hungry Bear se suffisait à lui même... A 15h30, j'avais rendez-vous avec John Boggs au Concrete Center, un genre de "maison des jeunes", mais pour les personnes âgées, lol. En effet, la radio locale KSVU (qui m'a aussi passé à la question dans le courant de l'après-midi) faisait une journée de levée de fonds (très à la mode ici) pour financer ses activités. 
Hula lààà... (Chautauqua)
Elle avait fait venir une troupe de Théâtre (genre nouveau cirque) appelée "Chautauqua" qui a initié la population aux arts du cirque et à la jonglerie pendant une partie de l'après-midi (j'ai même fait de la corde à sauter, comme une gamine, lol). Ensuite, tout le monde s'est rendu dans le bâtiment du Concrete Center pour partager le repas du soir. Puis ce fut la parade (en musique) jusqu'au cinéma Concrete Theater, où Chautauqua donnait une représentation entre café-théâtre, vaudeville, clowneries et jongleries en tout genre, le tout sur fond d'orchestre festif. J'ai beaucoup ri et les américains aussi. Il y avait quand même de sacrés tours de force dans ce spectacle. Pendant ce temps, le public pouvait faire des enchères sur des lots proposés par KSVU, toujours dans le cadre de sa levée de fonds. Il y avait des choses intéressantes (comme du pinard, par exemple). Dommage que je n'aie pas la place d'emporter grand chose, dans mes valises...
Duo de clowns musiciens (très drôle et j'ai tout compris!)
En tout cas, j'étais très heureux de me mêler à la population et de participer à la vie culturelle de Concrete, qui n'est, finalement, pas très éloignée de celle de Mauléon-Licharre... D'ailleurs, il y a énormément de similitudes entre les deux communes, malgré l'éloignement.

John m'a racompagné à l'hôtel après le spectacle et nous nous sommes donnés rendez-vous pour le lendemain à 9 heures pour aller à Artist Point, un magnifique promontoire, en haut dans la montagne qui permet de voir toute la vallée et plus encore. Quand il n'y a pas de brouillard ;-)

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