dimanche 31 mars 2024

L'INSPIRATION, D'OÙ ÇA ME VIENT ?

Crédit photo : jackmac34 (Pixabay.com)

Dans le hameau où je vis, on s'adonne régulièrement à des travaux d'intérêts communs, comme les amish, dans Witness. Bref, très récemment, pendant que passais l'aspirateur sur le sol de la salle des fêtes inondée par les récentes pluies diluviennes, un de mes voisins, un agriculteur d'habitude plutôt placide et sympathique, est venu à ma rencontre avec un air très soucieux, mêlé de détermination. M'entraînant plus loin dans un champ de fougères fraîchement coupées, il m'a demandé :

    — Dis, ça reste entre nous mais toi qui écris des livres, tu saurais comment te débarrasser de quelqu'un sans que ça se sache, non ?

    Moi, naïvement, pensant qu'il s'intéresse à mes romans :

    — Euh oui. Tu es éleveur : tu dois bien avoir de la kétamine chez toi, pour soigner tes animaux. Avec une seule ampoule injectée dans une artère, tu tues un humain normal.

    — Ah oui, pas bête. Je n'y avais pas pensé.

    — Bon, sauf que c'est un produit réglementé. Un enquêteur un peu malin finira par trouver le point d'injection. Sans oublier qu'après l'analyse du sang de la victime, hein ?

    J'ai réfléchi deux secondes, puis j'ai ajouté :

    — Ou sinon avec un macérât de sève de digitale pourpre ! Il y en a partout, de cette plante, ici, en saison.

    — Ah bon ? Ce truc avec les clochettes, là ?

    — Oui, c'est un poison mortel qui cause des arrêts cardiaques à celui ou celle qui l'avale. Et c'est pratiquement indécelable dans l'organisme, si tu ne sais pas ce qu'il faut chercher.

    Le paysan arborait un air pensif et souriait. De mon côté, je commençais à trouver ce drôle d'interrogatoire plus que suspect :

    — Mais attends, pourquoi tu me demandes tout ça, au fait ?

    L'agriculteur a laissé passer un certain temps, le regard comme aspiré par l'horizon. Puis il a lâché, entre ses dents :

    — Tu sais tenir un secret ?

    J'étais subitement mal à l'aise, comme quelqu'un qui en sait déjà trop. Néanmoins, je me suis entendu lui répondre :

    — Euh, tu sais, je travaille dans une banque... C'est le mantra de mon employeur, "le secret des affaires"...

    Après un petit temps de réflexion, il a affecté un air rassuré et m'a donné une petite tape (qui se voulait connivente) sur l'épaule, avant de dévoiler, le ton bas :

    — D'accord. C'est à cause de mon voisin. Il refuse de me vendre une parcelle de terre qui jouxte le ruisseau. Or, j'en ai besoin pour abreuver mes brebis et mes vaches. Mais quand je lui ai demandé gentiment, il m'a insulté et il a même menacé de décrocher le fusil. Alors qu'on est copains depuis la maternelle et qu'on chasse ensemble ! Donc je veux qu'il crève, ce sale enfoiré !

    J'ai avalé ma salive, devant la véhémence du propos.

    — Ah ok...

    — Reste à trouver comment lui administrer le jus de digitale, sans qu'il s'en aperçoive...

    — Beh je sais pas, moi. T'en mets dans son café, ou dans sa bouteille de Ricard !, j'ai fait, comme si c'était une évidence.

    Le temps de voir la scène dans sa tête, le type m'a retapé sur l'épaule. Il semblait très satisfait de notre entretien :

    — Je compte sur ta discrétion, bien sûr !

    J'ai masqué mon intimidation du mieux que je pouvais, avant de mimer une braguette horizontale que je refermais sur mes lèvres, assortissant le tout d'un clin d'œil un peu forcé :

    — Bien sûr : je serai comme une tombe !

Le sourire carnassier que m'a lancé mon voisin après cette sortie ne m'a absolument pas plu. 


    Et là, je me suis réveillé. Le réveil marquait 8h36, mais il était déjà 9h36 sur mon smartphone. Le changement d'heure, c'est vraiment de la merde.

lundi 11 mars 2024

FAITES UN PETIT EFFORT, QUOI !? (Je sens que ça va pas faire plaisir à tout le monde, mais bon... Fuck it !)

Dans le cadre de ma mission d'éditeur chez Astobelarra, il m'arrive de participer à des salons du livre ou de représenter l'association chez nos amis libraires ou encore sur des marchés...
C'est une litote. En fait, je suis partout en même temps car j'ai le don d'ubiquité 🙃.
J'y vais pour mes livres, bien sûr, mais également pour représenter et défendre ceux de mes collègues écrivains que nous éditons, because this is the way

Donc je suis très souvent en première ligne et en contact direct avec le public. Parmi lequel il y a les lecteurs, qui viennent feuilleter (et parfois acheter) nos nouveautés. Il y a les simples passants, dont on se demande bien ce qu'ils viennent foutre* dans un salon du livre tellement le sujet a l'air à des années lumières de leurs préoccupations quotidiennes... Et puis il y a aussi les écrivains en herbe qui viennent à ton stand avec un seul but en tête : te fourguer leur manuscrit. 

Il faut savoir que depuis le Covid, énormément de gens ont eu la révélation qu'ils devaient absolument publier un livre. À tel point qu'on se demande s'il n'y a pas plus d'écrivains que de lecteurs, désormais...
Attention, ceci n'est pas un jugement du travail produit par ces personnes. Dans le lot de ce que nous recevons, il y a parfois des pépites. Mais ce n'est pas le propos de ce billet. 

La vraie raison pour laquelle j'écris aujourd'hui, c'est que la grande majorité (si ce n'est la totalité) des personnes qui viennent nous proposer leurs manuscrits semblent se foutre* totalement de ce qu'on publie. Je m'explique : moi, si je devais cibler une maison d'édition pour qu'elle publie mes textes, je saurais ce qu'elle publie d'habitude (histoire d'être raccord avec la ligne éditoriale) et le niveau d'exigence demandé pour la bonne et simple raison que j'aurais déjà acheté et lu des livres de cette maison d'édition. Je trouve que c'est la moindre des choses. Voyez ça comme une règle de politesse élémentaire, ou comme un investissement pour l'avenir... Et puis, quelque part, c'est aussi une manière de se comparer à d'autres et - souvent - de soigner son égo 😁. 

Alors on pourrait arguer qu'il n'y a rien d'intéressant dans notre catalogue, et que c'est pour ça qu'on n'a rien acheté. Mais alors, si c'est vraiment le cas, il faut se poser la question : est-ce que je cible la bonne maison d'édition ? L'autre raison qu'on pourrait nous opposer, c'est je ne peux pas accueillir toute la misère acheter tous les livres du monde. Non, c'est sûr. Mais en tout cas, ça donne l'image d'une personne qui ne souhaite pas s'impliquer plus que ça et c'est pas top comme premier contact : tout le contraire de la dimension militante affichée par notre association. 

Pour vous dire à quel point je suis moi-même militant : j'achète systématiquement les livres de tous les auteurs d'Astobelarra, même si, de par mon métier d'éditeur, je les ai déjà lus au moins une fois, voire deux ou trois, même, parfois. Alors je ne demande pas à ce que tout le monde en fasse autant. C'est mon choix à moi de soutenir nos auteurs, et donc l'asso. Car, ne soyons pas dupes, je le fais également parce que l'argent qui rentre, c'est aussi celui qui va permettre de publier ou réimprimer mes propres romans. 

Par contre, il me semble que quand on souhaite se faire éditer, il est nécessaire qu'on connaisse un peu son sujet... Notez que ce n'est pas non plus un prérequis pour se faire éditer : il y a des gens qui achètent nos livre et dont nous avons pourtant refusé le manuscrit. De même qu'il y a aussi des gens dont on a pris (et publié) le manuscrit sans pour autant qu'ils aient jamais acheté ou lu une seule de nos productions. 

C'est le jeu (ma pauvre Lucette), mais quand même, quand on cherche à se faire éditer par une petite maison d'édition comme la nôtre**, et d'autant plus lorsqu'on se déplace pour venir nous voir en vrai, l'effort serait grandement apprécié. Et pour joindre le geste à la parole, sachez qu'Astobelarra lance une nouvelle souscription en ligne pour la sortie du 5ème roman de Thomas Ponté, intitulé Les Sens hors des nerfs et qui n'est autre que la suite très attendue d'Essences ordinaires, sorti en 2016. Si vous n'avez pas encore lu ce livre génial, jetez-vous immédiatement au gave, ça vous rafraichira les idées !
Cliquez ici pour en savoir plus et/ou précommander Les Sens hors des nerfs !
Amen.


** C'est d'ailleurs très rarement un premier choix. Ne nous leurrons pas : si le fameux manuscrit finit dans notre PAL, c'est plus souvent parce qu'aucune autre maison d'édition n'a voulu du manuscrit auparavant.