samedi 12 avril 2014

Ce n'est qu'un au revoir...

Ma puce-bichette,

Je sais que, pour toi, je n'ai pas toujours été le père qu'il aurait fallu que je sois ; j'ai été un papa relativement absent, plus souvent bloqué devant mon ordinateur qu'à m'occuper de toi. Et je suis bien conscient d'avoir négligé ta mère pour ces mêmes chimères numériques.
Je suppose qu’elle t'aura raconté que mon addiction corps et âme pour Second Life est la principale raison pour laquelle elle a décidé de me quitter en t'emmenant avec elle. Il y a de ça, bien sûr, même si c'est un odieux raccourci. Je ne peux pas t'en vouloir de t'être laissée manipuler. Tu étais encore très jeune quand tout est arrivé et ce sont des histoires d’adultes.
Mais en plus de vous avoir sacrifiées pour mon travail, je vous ai mises en danger de mort. Si tu savais comme je regrette ces mauvais choix et tout ce temps perdu, aujourd'hui !
Vous me manquez horriblement toutes les deux, mais surtout toi, ma petite Sophie. J'ai été affreusement égoïste, j'ai raté ma vie de père et de mari, mais ça va changer : je ne vais pas rater ma vie d'homme.

En enquêtant sur Beau Smart, j'ai mis le doigt dans un engrenage duquel je ne peux plus me dégager : il y va de la survie de l'humanité. J’ai vu de mes propres yeux ce dont cette chose est capable. Tu as dû entendre aux informations que le monde court de catastrophes en catastrophes. C'est dû à Beau Smart, évidemment, même si je ne peux pas encore le prouver à 100%...
Ta mère va penser que j'affabule encore, mais j'ai été contacté par une cellule spéciale dédiée à la traque et à la destruction de l'intelligence artificielle, placée sous les ordres directs du président des États Unis d'Amérique. On a besoin de moi pour accompagner et assister Patrice Bodin (le premier hôte de Beau Smart) là-bas.
Je n'ai pas vraiment le choix. Je dois y aller. Pour moi, pour Patrice, mais surtout pour toi, ma chérie, pour que tu saches que, contrairement à ce qu'on t'a fait croire, ton père n'est pas un couard ni un paranoïaque obsessionnel relevant de la psychiatrie. Ton père se bat pour que tu puisse vivre dans un monde meilleur, plus sûr, sans ce monstre.
Je vais donner tout ce que j'ai dans les tripes pour réussir cette mission, parce que quelque part, ayant une connaissance accrue des tenants et aboutissants de cette histoire, je m’en sens responsable. Et dans ce cadre, je me sentirais coupable de ne rien faire.
Je pars demain. Ne m’en veux pas : je n’ai pas le cœur à essayer de t’appeler, sachant que je risque de me casser le nez sur la sonnerie du téléphone, que ta mère – reconnaissant mon numéro – ne  décrochera pas.

Alors je ne sais pas si je vais revenir ni dans quel état je serais, si je reviens... Je ne sais pas non plus si nous allons réussir à vaincre cette entité démoniaque, ou si elle va finir par aller au bout de son funeste dessein et tous nous effacer définitivement de la planète. Mais je veux que tu saches que je t'aime, ma Sophie.

A bientôt j'espère, bisous,
Ton Papa.

Sébastien Régent.
(extrait de "Pandémie", tome 2 de L'infection)