jeudi 22 juillet 2021

La musique adoucit les meurtres…

J’ai lu un article qui prétend qu’écouter de la musique des années 80 préviendrait de la déprime et donc rendrait heureux. C’est pas faux. Je suis moi-même un grand fan de musiques de ces années, surtout les titres anglophones. Je pense avoir dans mon disque dur une liste presque exhaustive de tous les tubes de mon adolescence, que j’écoute régulièrement, quand j’ai un petit coup de spleen. Mais du coup, comme chaque morceau est intimement lié à ma vie passée, ça me fait très vite penser à plein de moments malaisants vécus à cette époque. Et la nostalgie, ça va un moment… C’est pour cette raison que je n’en écoute pas quand j’écris.

J’ai déjà pas mal disserté (ici, , , et encore ici) sur mon besoin quotidien de musique pour écrire, travailler ou vivre, tout simplement. L’infection T3 Sepsis, je l’ai écrit avec la discographie d’Omnia et les deux derniers albums de Conception entre les esgourdes. Pour Les routes du crépuscule, J’avais besoin de me retrouver plongé dans une ambiance de la fin des années 80, début des années 90. Alors c’est évidemment les groupes grunges comme Pixies, Nirvana, Foo Fighters, les groupes de rock alternatif anglais (Happy Mondays, EMF…) ou français (la Mano Negra, les VRP…) qui m’ont inspiré, mais aussi énormément la synthwave (genre qui, d'après Wikipédia, serait né après 2010, curieusement). Pour moi, le meilleur album du genre (et surtout datant de la bonne époque !), c’est la musique du film le jour des morts vivants, de John Harrison, que je vous conseille absolument !

La synthwave, c’est quoi ? Tout simplement le meilleur de la pop des années 80/90 (paroles positives à base de « love » et de « sunset », voix éthérées, nappes de synthés, batteries électroniques à la Kajagoogoo, solos de guitare et de saxophone, et décorum lasergrid, palmiers et Camaro rose fluo sur fond de coucher de soleil vaporeux…), mais mixé à la sauce d’aujourd’hui. J’en écoute sans arrêt en ce moment (notamment les groupes The Midnight, Gunship et FM84…), au grand dam de mon fils qui ne comprend pas pourquoi je repousse la nouvelle galette de Gojira (que j’aime bien, en fait, mais bon… je fais style que, pour le faire rager). La synthwave, c’est absolument parfait pour se téléporter dans l’insouciance du passé, le temps des boums, des "jeans neige", des kilos de bombecs pour 10 francs et des mulets et permanentes overlaquées (pour ceux qui ont encore des cheveux ailleurs que dans le slip). Pas besoin de se concentrer pour en écouter, ça coule tout seul dans les oreilles, comme le jus acidulé et écœurant de sucre d’un Tubble Gum dans la gorge.

Bref, la synthwave me propulse directement dans une ambiance de « K2000 » mâtinée de « Sauvé par le gong », un genre d’univers futuriste désuet très « Retour vers le futur » qui colle à la perfection à mon nouveau roman :
Les routes du crépuscule. Et je ne crois pas si bien dire ^^
Du coup : pas de meurtre ignoble dans ce livre, peu d’hémoglobine et presque pas de caca, même si ce n’est pas toujours de tout repos, vous verrez. J’espère qu’il vous divertira au moins autant que mes précédents efforts littéraires ! Bon, c'est pas tout ça, mais il me reste encore 2 chapitres à écrire... Allez, zou : les écouteurs et on y va !

mercredi 7 juillet 2021

La muraille des médiocres

Apparemment, on fête en ce moment même les 400 ans de Jean de La fontaine. Le gars, non seulement il a écrit des fables mettant en scène des mouches, des fourmis, des grenouilles et des fromages, le tout en portant une ridicule autant qu'infâme perruque à bigoudis, mais en plus, sa célébrité est toujours aussi vive aujourd’hui ! Chacun d’entre nous a forcément une anecdote liée à son œuvre. C’est juste impressionnant. Tellement que même les clowns Pit et Rik l’ont ressorti à leur sauce, dans les années 70 !

Bon, je charrie. C’est un grand auteur et certaines de ses fables sont toujours autant d’actualité (et résonnent toujours en moi), comme le loup et le chien, par exemple. Alors pourquoi vous parler de lui aujourd’hui, sur ce petit ton du gars blasé ?

Parce que La Fontaine, ou du moins l’une de ses fables, a bien failli me fâcher définitivement avec la littérature. D’ailleurs il n’est pas le seul : Jacques Prévert a également été à deux doigts de me faire haïr les livres et la poésie, mais on y reviendra plus loin…

Connaissez-vous le laboureur et ses enfants ? J’ai une petite anecdote à vous raconter à ce sujet…
Je ne sais pas si ça se fait toujours, mais lorsque j’étais à l’école primaire, nos instituteurs prenaient un malin plaisir à nous forcer à apprendre par cœur des textes d’auteurs et à les réciter debout, tout contre leur bureau, face aux autres élèves qui attendaient leur tour. Apprendre un truc par cœur (juste pour apprendre par cœur), j’ai toujours trouvé ça con. Mais devoir en plus le restituer devant tout le monde, c’était pour moi à la limite de l’héroïsme. Je détestais ça, cette mise en scène, la compétition, le jugement, et pour finir, la sanction, inévitable…
Je me souviens que cette fable-ci, en particulier, je n’ai jamais réussi à l’apprendre. Je ne comprenais pas pourquoi, à l’époque.

Aujourd’hui je sais : un poème qui se termine par l’affirmation « le travail est un trésor », c’est comment dire… une ode à l’école qui formate les esprits, qui met les enfants dans des moules, et qui éjecte ceux qui refusent de se conformer. C’est un hymne au système qui encourage le minutieux sacrifice de sa précieuse personne et de sa courte vie, dans le but d'enrichir davantage les puissants. Je vais oser le dire : cette fable pourrait être le credo du MEDEF et de la Macronie. Je la déteste.

Combien de fois ai-je dû descendre les escaliers de ma chambre jusqu’au salon, où je retrouvais mon père qui me faisait réciter, et me renvoyait invariablement avec pertes et fracas au bout de quelques minutes parce que je « ne la savais pas » ! 

— Tu la sais pas ! 
— Mais si je la sais ! Regarde : "Le laboureur et ses enfants, de Jacques Prévert". (Grande inspiration, hésitation, tremblements, puis avec une voix chevrotante :) "Travaillez, prenez de la peine, c'est le fonds qui manque le moins..." euh...
— Y'a pas de "euh". Tu la sais pas. Reprends...
— (Voix chevrotante :) Depuis le début ? 
— Oui, depuis le début...

Et ce cinéma durait pendant de longues minutes avant que mon père ne finisse par me lancer mon cahier entre les mains et ne me montre le chemin vers l'étage.
Je remontais alors en larmes, marmonnant quelque insulte bien sentie (ou esquissant une salve de bras d’honneur en direction du salon) tout en tapant bien fort du pied sur les marches, avant de claquer la porte et de me jeter sur mon lit. J’y sanglotais pendant trois-quarts d’heure, avant de me résigner à essayer de me faire rentrer les vers de La Fontaine à grand coup de cahier sur le crâne… Mais rien à faire. J’y ai passé tout un mercredi et probablement le restant de la semaine avant le jour J, sans jamais réussir à l’apprendre. Et devinez quoi ? 

L’instit ne m’a jamais interrogé…

Pareil pour Le cancre, de Prévert. Et je sais parfaitement pourquoi : ce poème me mettait en scène, MOI, le nul en maths et en dictée, celui qui était abonné aux « médiocre ! » sur tous ses bulletins de notes, presque jusqu'au bac. L’idée de le réciter devant toute la classe me révulsait littéralement. Pour moi, c’était comme dans ces cauchemars dans lesquels je me rendais à l’école cul-nu ! Mais je ne savais pas exprimer ce malaise, à l’époque. Pas sûr qu'on m'aurait écouté, de toute façon... Et donc il me fut impossible de l’apprendre : le verrou mental était trop solide.
Lorsque mon tour est venu de le réciter en classe, j’ai bafouillé, j’ai rougi, j’ai pleuré, j’ai fini au coin et le maître m’a collé un beau zéro tout rond dans mon carnet.

Tout ceci explique peut-être pourquoi, si je sais parfaitement reconnaître le génie d’un poète, son œuvre me restera totalement absconse. Pour moi, la poésie, c’est juste l’art de savoir faire chier les gamins à l’école. Et ça, c’est l’indestructible muraille qui protège ma médiocrité. Pour toujours...