jeudi 27 octobre 2011

Coïncidence troublante : “Infection”, de Scott Sigler (2009 ed. Milady)

"Infection", de Scott Sigler
ed. Milady - 2009
Il y a quelques temps déjà (mais bien après que j’aie décidé d’appeler mon livre “L’infection“), je l’avais vu dans les rayonnages du Leclerc Culturel d’Oloron Sainte Marie, sans jamais sauter le pas de l’achat : il s’agissait d’un livre fantastique nommé “Infection” (”Infected” en anglais, il aurait fallu le traduire par “infectés”, pour être plus juste) et publié aux éditions Milady, écrit par un auteur américain du nom de Scott Sigler.
A l’époque, j’avais lu la quatrième de couverture, qui m’avait paru bien alléchante, mais sans plus. Un de mes collègues de travail, amusé par le titre, me l’a récemment prêté afin que je puisse le lire. Ce que j’ai fait en quelques jours, avec la terreur au ventre. Pas à cause du contenu (un livre fantastique très Gore par moments), mais parce que j’avais une trouille indicible que les coïncidences ne s’arrêtent pas qu’au titre du livre entre ce roman et le mien; d’autant que le prochain livre de Sigler (annoncé comme une suite de celui-ci et dont la sortie est prévue en décembre 2011)  est titré  “Contagion” en français (”Contagious“, contagieux en traduction littérale).

Il y a quelques similitudes, mais fort heureusement, ça s’arrête là!

ATTENTION! SPOIL :Infection” de Sigler est une histoire de parasite d’origine extraterrestre qui s’implante dans la peau de ses hôtes avant de s’en extraire (après les mille tortures qu’on imagine) en une horde de créatures ressemblant à des genres de poulpes à trois yeux, désireux d’ouvrir un portail qui conduirait à l’invasion de la Terre. Voilà pour le pitch.
L’histoire que je raconte -moi- n’a aucun rapport avec celle de l’auteur américain, même si on y retrouve certaines ficelles du genre, donc : deuxième gros soulagement! Je sais par expérience qu’il peut toujours y avoir quelqu’un -ailleurs sur Terre- susceptible d’avoir les mêmes idées qu’une autre personne en même temps, mais là, je suis relativement rassuré.

Mais en outre, c’est un livre prenant, quoi qu’extrêmement Gore (insoutenable par moment – la gent masculine qui le lira comprendra ce que je veux dire, en temps voulu) et scatologique.  Aucun personnage n’est vraiment sympathique (même les héros : l’ex-footballer loser, le collègue de travail moqueur, la scientifique ambitieuse et un brin pétasse, son confrère sans grand relief, l’agent de la CIA un peu abruti qui les suit et les protège, l’autre agent de la CIA ancien vétéran du Viet-Nam, le directeur adjoint de la CIA…), et l’écriture comporte des effets de style modernes qui donnent à penser que l’auteur s’est parfois un peu trop impliqué personnellement dans la narration, au lieu de rester détaché.

Ce sont les autres similitudes les plus flagrantes avec “Contage“, le premier tome de MA trilogie, “L’infection“, celles qui m’ont plus ou moins été reprochées signalées par les quelques personnes de mon entourage qui ont lu le manuscrit. Mais si Scott Sigler a trouvé un éditeur (et des lecteurs) dans ces conditions, alors pourquoi moi je n’en trouverais pas, hein?

Néanmoins, amateurs de romans d’horreur avec le cœur bien accroché, je vous conseille fortement ce livre passionnant et bien gratiné ;-)

mardi 18 octobre 2011

L’infection tome1 : Contage. Second teaser!

Hum… Cela faisait un bail que je n’avais pas refait de teaser-vidéo. Donc ce coup-ci, je me suis dit que ce serait sympa de matérialiser sous forme d’images la rencontre entre Beau Smart et Patrice Bodin, qui se déroule dans Infection.
En même temps, j’aime bien le côté “avertissement” à la Anonymous.

dimanche 16 octobre 2011

L’été à Concrete, l’hiver à Coyote Wells…

Dans le tome 2 de L’infection, Nathalie Kay passe l’été dans les montagnes à proximité de Concrete (Wa), et l’hiver sur les pistes ensablées de Coyote Wells (Ca). Je fais allusion à cet endroit dans le texte que je suis en train d’écrire, et qui se situe à peu près à la moitié de Pandémie.

Coyote Wells (Ca)
Pourquoi j’ai choisi cette ville? Eh bien il me faillait un lieu désertique, loin de la population et proche de la frontière mexicaine. Donc comme d’habitude : un petit coup de Google Maps, et en suivant la Highway 8 depuis la côte, je suis tombé sur ce bled perdu au nom si typique. Donc voilà l’histoire!
Oui, Ce n’est pas parce que ce passage de l’histoire se trouve à la moitié du roman que j’en suis déjà là, hein ? En fait, en attendant les réponses des éditeurs, comme je n’arrivais pas à me motiver pour recommencer à écrire le tome 2, je me suis mis à écrire un passage qui me faisait envie. J’ai écrit 4 pages ce week-end. Ce n’est pas beaucoup, mais je n’ai pas fait que ça, je vous rassure ;-)

jeudi 13 octobre 2011

LES ATELIERS D'ÉCRITURE DE LA BIBLIOTHÈQUE DE MAULÉON

Cela fait trois ans qu'ils existent, mais c'était ma première véritable participation à ces ateliers d'écriture mardi soir. ils se déroulent toutes les trois semaines à la bibliothèque de Mauléon, et sont chapeautés par l'auteur jeunesse Sophie Pavlovsky. J'étais allé à la première séance lors de leur création, mais les horaires ne me convenaient malheureusement pas, à l'époque. Aujourd'hui, c'est différent.

Donc ce soir là, le thème de travail était d'inventer une nouvelle -en une heure- à partir d'un début et d'une fin tirés au sort par l'un des participants. Voici le sujet tiré au sort (en bleu), suivi de ma participation, telle que je l'ai écrite (répétitions et bourdes incluses).

"Au milieu du long couloir de l'hôtel, il pensa qu'il devait être tard et il pressa le pas pour aller prendre sa moto dans l'encoignure où le concierge d'à côté lui permettait de la ranger. (...) Et dans ce rêve, mensonge infini, quelqu'un aussi s'était approché de lui couteau à la main, de lui qui gisait face contre ciel, les yeux fermés."

Au milieu du long couloir de l'hôtel, il pensa qu'il devait être tard et il pressa le pas pour aller prendre sa moto dans l'encoignure où le concierge d'à côté lui permettait de la ranger.
Cinq minutes après, tendu comme une corde de violon, Jean-Pierre mettait les gaz. Tandis que l'engin avalait la route, il s'enfonça profondément dans les méandres de son esprit. Dans ces récurrents moments d'abandon, il conduisait par réflexe, comme en mode automatique, guidé par la bande blanche du séparateur central qui l'hypnotisait. Il ne ressentait pas la piqûre vive de l'air, ni l'odeur âcre du bitume qui défilait sous ses roues : il était profondément enlisé dans les méandres de sa mémoire, qui ne cessait de le hanter depuis la nuit où il avait poignardé Gisèle, juste après qu'elle lui eut annoncé qu'elle le quittait.
Il se rappelait précisément de tout le déroulé de la scène : ça faisait un moment qu'ils faisaient chambre à part et ne se parlaient plus que pour l'attribution des tâches ménagères, mais ce soir là, il avait encore une fois essayé de recoller les morceaux. Comme à chaque fois, elle n'avait pas été tendre avec lui, refusant de communiquer, hâtant le pas pour éviter toute confrontation, claquant les portes pour ne pas l'entendre et le gratifiant de son éternelle expression de dégoût lorsqu'elle était forcée de le regarder en face. Ce fut la fois de trop...
Après avoir passé la soirée à se ronger les sangs, tournant et se retournant sur le canapé du salon, tout en ressassant le gâchis de leur union, cet enfant tant désiré et jamais arrivé, la trentaine pleine d'espoir, puis la quarantaine déçue, suivie de la cinquantaine aigrie, il avait enfin résolu d'en finir. Quitte à la perdre, autant que ce soit définitif!
A trois heures du matin, il avait attrapé le couteau à découper le poulet dans le tiroir à ustensiles de cuisine. Celui avec la lame tordue, mais si terriblement aiguisée. Il avait pénétré à pas de loup dans la chambre autrefois conjugale, en veillant bien à ne pas riper la moquette avec ses pieds. Pendant cinq bonnes minutes, il l'avait regardée dormir, le visage détendu, insouciante et encore belle, dans la pénombre. Puis dans un dernier élan de colère, il s'était subitement ressaisi et lui avait asséné plusieurs coups au thorax, tout en gémissant, les yeux embués de larmes.
Il pleurait doucement sur sa Honda, traversant la forêt à 130 km/h, lorsque le chevreuil sortit du fourré. Instantanément, l'afflux d'adrénaline le fit quitter ses pensées. Il crut un instant qu'il allait pouvoir l'éviter, mais la bête apeurée fit demi-tour et percuta le motard de plain fouet.
Jean-Pierre sentit quelque chose de dur et pointu perforer son foie alors qu'il voltigeait comme un pantin désarticulé au dessus de la route. Il retomba lourdement sur le sol et roula plusieurs fois sur lui-même, tandis que ce qui restait de sa moto alla s'écraser dans le décor, dans un rugissement assourdissant de ferraille broyée. Il n'en entendit pas plus. Allongé sur l'asphalte refroidit par la nuit, il ferma les paupières et s'endormit. Avant de mourir, il fit un dernier rêve.
Et dans ce rêve, mensonge infini, quelqu'un aussi s'était approché de lui couteau à la main, de lui qui gisait face contre ciel, les yeux fermés.

Ceux qui me connaissent ne vont pas manquer de me dire qu'on reconnait ma patte, et c'est bien normal. Je peux toutefois vous dire que j'ai eu du mal à me fixer après avoir lu le sujet. Je me suis retrouvé aussi con que le jour du bac, les yeux vitreux, essayant d'organiser le travail dans ma tête. Je voyais les autres participants griffer le papier à toute vitesse. ils avaient l'air super inspirés. Et moi je continuais à me creuser la cervelle pour trouver un truc qui se tienne. Au bout d'un quart d'heure à cogiter, j'ai fini par faire un plan en extrayant les mots clés du sujet.
Ce motard qui semble pressé, où va t-il ? Pourquoi rêve t-il à la fin de l'histoire, que quelqu'un veut le poignarder ? De là, j'ai fait plusieurs schémas, dont certains aboutissaient à un truc original, mais improbable. Alors j'ai suivi mon instinct. Et là ça a coulé tout seul. J'ai eu terminé le texte dans l'heure, et j'avais même commencé à le recopier au propre.
Ce qui est amusant avec ce type d'exercice de style, c'est qu'en quelques phrases ajustées à la va-vite, le résultat final en dit long sur les auteurs. J'ai particulièrement apprécié les textes de Pierre Gastéreguy et de l'autre écrivain masculin dont je ne me souviens que du prénom, Marc. Ce qu'avaient écrit les filles n'était pas mal non plus, mais bon... Trop féminin à mon goût! Un excès de testostérone, sans doute ?
Mais pour tous, je me suis demandé comment ils avaient pu pondre autant de lignes inspirées en si peu de temps. Ils sont pour la plupart plus âgés que moi, et certains suivent ces ateliers depuis le début. Il y a donc la maturité (je m'en suis rendu compte en comparant nos écrits) et l'expérience qui entrent en jeu. Néanmoins j'ai beaucoup apprécié cette première séance qui m'a permis de me forcer à me mettre devant une feuille pour écrire.
En ce moment, je procrastine pas mal sur le tome 2 de L'infection. Pas que je sois atteint par le syndrome de la page blanche, (parce que je sais exactement ce que je dois écrire et comment), mais je suis dans l'attente de réponses d'éditeurs pour le tome 1 et ça me coupe mes élans. Il va pourtant bien falloir que je m'y remette, au lieu de trouver des prétextes bidons (comme de regarder le débat des primaires socialistes à la télé, par exemple)...
Je pense (j'espère) que ces ateliers d'écriture joueront le rôle du détonateur, qui me fera m'y replonger avec ardeur et passion !

mardi 11 octobre 2011

1ère chronique -en Avant-première- de Maaatch!

Maaatch, c’est un de mes copains de Mauléon-Licharre. Je lui ai parlé de mon bouquin (”L’infection”, vous vous rappelez?) depuis le tout début, lorsque j’ai commencé à en écrire le plan du tome 1, fin 2008. Il était juste qu’il soit un des premiers à lire le texte intégral en avant-première. Voici ce qu’il en a dit sur son propre blog

Eh oui, Mr Boyer m’a fait l’honneur de me faire lire son livre en avant première, alors je l’ai goulument dévoré. Je signe mon retour sur ce blog depuis un long moment avec l’ouvrage sus-cité.
Je vais aller droit au but. C’est un bon livre, un bon roman de science-fiction, un peu futuriste dans les faits, contemporain de par les dates utilisées dans le roman. Je l’ai lu quasiment d’une traite, avec plaisir, et l’envie d’aller au bout.
Les personnages sont un peu basiques, mais faciles et intéressants à suivre, les lieux, amusants à découvrir en tant que souletin (eh oui, l’action se passe dans nos vertes vallées…), et l’histoire assez bien conçue.
L’écriture, c’est de l’Étienne tout craché, bien écrit, pas de manière pompeuse, simple et efficace, mais avec quelques belles phrases bien tournées. Des passages un peu crades, tantôt porno-trash, tantôt gores ( et oui, l’auteur aime les bons vieux films de zombies….), mais passent bien dans l’ensemble.

Quelques points négatifs tout de même ! Eh oui, je vais faire une vraie critique ! ^^ : En voulant faire un truc du coin, en mettant des noms et prénoms locaux, Étienne a voulu bien faire, mais en ne mettant que des Antton, Xabi, Beñat, et autre Maddalen, je trouve que ça fait un peu caricature de campagne isolée, de monde à part…. Mettre Sickolas Narkozy aussi, je trouve que ça n’apporte rien au livre, et il aurait pu mettre un président, ou un nom de président quelconque… Enfin, c’est pour la blague, et le plaisir de le maltraiter…
Ensuite, un truc important, comme le bogue mondial est écrit en quelques petites lignes, alors que c’est un truc important, alors que la description de l’ile SL de l’héroïne, intéressante mais pas capitale, prend plus de place, il y a deux ou trois passages que je trouve disproportionnés….

Enfin, je chipote, et c’est un bon ouvrage, bien torché, et il me tarde de pouvoir lire la suite !!  Good job Boyergaray !

Donc voilà, ça m’a fait bien plaisir de lire cette première chronique publique, fut-elle écrite par un ami (qui m’a ménagé, à n’en point douter). Je dirais que la partie où il critique le livre est celle que je vais retenir, pour la bonne et simple raison… qu’il a raison sur plusieurs points. Disons que j’étais déjà parvenu à ces conclusions tout seul, mais que j’avais occulté (par flemme : marre de lire et relire tout le temps le même manuscrit! J’ai l’impression de faire du sur-place.).

C’est toujours bon de poser des mots là où ça coince : ça permet parfois de rectifier le tir et d’avancer.
Je ne dis pas que je vais tout réécrire à chaque fois que quelqu’un mettra le doigt sur un truc qui cloche (parce que dès fois, justement, c’est fait exprès que ça ait l’air bancal ou caricatural), mais quand il faudra corriger (pour des raisons de cohérence, essentiellement), je le ferai.

lundi 10 octobre 2011

Chapitre 15 : “Le renvoi”

Les premières pages du chapitre 15 de “Contage”, le tome 1 de L’infection, intitulé “Le renvoi” :

Antton Aguer avait chaud, dans son costume trois pièces gris. Sa cravate bordeaux à petits losanges moirés enserrait implacablement son large triple menton, tout comme un serpent python étouffant sa proie le ferait, avant de l'avaler d'un coup.
En tant que conseiller général du canton et maire de la capitale souletine, il venait d'assister à l'inauguration en grandes pompes de la fameuse "voie express de Soule", projet faisant partie du "volet désenclavement" de la vallée (vainement entamé lors des mandats successifs de son infortuné prédécesseur), qu'il avait finalement réussi à boucler malgré la grogne des riverains et des  groupuscules écologistes locaux. Cela n’avait pas été sans mal, et il avait bien failli perdre toute contenance devant les attaques en règle dont il avait été "victime" lors des dernières élections cantonales. Mais largement réélu (à 69% !) devant ses falots concurrents de gauche, il avait fini par imposer ses idées ultra-productivistes en toute légitimité. Son beau-frère – vice-président de la communauté de communes et maire de Larrau – qui comme par hasard tenait une entreprise de travaux publics, était déjà sur les starting-blocks pour rafler le marché. Si tout se déroulait comme prévu (et il veillait assidû-ment à ce qu’aucun journaleux local ne vienne contrecarrer ses plans, se targuant, en privé, de les avoir tous dans sa poche), la réalisation de ce plan allait renforcer les liens entre les tenants souletins de sa famille politique, et donner le change aux entreprises qui militaient pour le développement économique de la vallée depuis des décennies. Le discours officiel était que cette route allait améliorer les transports des marchandises, et permettre à la Soule de sur-vivre, d’attirer les investisseurs, de créer des emplois, et donc de relancer l’économie.
Le même argumentaire avait été déployé l’année passée pour l’installation du Wimax, et avait parfaitement fonctionné. Aucune raison que cela ne marche pas encore une fois ! Ne dit-on pas qu’on ne change pas une équipe qui gagne ?
Aguer senior sortait juste du restaurant "Chez Bidegain", où il s'était copieusement empiffré –comme à son habitude – en compagnie des maires des communes concernées. Les vapeurs de l'apéritif lui causaient de violentes montées de chaleur, et le Côte de Saint Mont 2005 qui avait été servi sans modération pendant tout le repas avait repeint son visage de jolies couleurs cramoisies et redonné à son caractère déjà difficile un nouveau souffle courageux et viril. D’ailleurs, cela lui rappelait avec félicité qu’il allait à nouveau arroser ce succès mémorable le soir même avec ses amis notables, pour lesquels il avait fait venir un bus rempli de putes espagnoles. C’était sûr : le Ricard et le foutre allaient couler à flots !
 
C'est dans cet état, assis sur son fauteuil de PDG du groupe Aguer Industries (une de ses nombreuses casquettes de grosse légume), ses mains grasses posées bien à plat sur le sous-main en feutrine tâché d'encre, qu’Antton Aguer recevait l'ouvrier Patrice Bodin pour un entretien préalable à un licenciement pour faute lourde, dans ce bureau capitonné empestant le cigare froid et le produit nettoyant industriel pour vitres.
Son fils Allande, jeune directeur de l'usine et promis à la succession du groupe (malgré une envergure bien moindre que celle du patriarche), était présent lui aussi, debout derrière son père, bras croisés, rongeant nerveusement – en penchant la tête – ce qui lui restait d'ongle à l'auriculaire droit.
Le grand patron affichait une moue pincée et faisait mine de lire un maigre dossier à couverture orange fluo,  tout en regardant régulièrement d'un œil luisant son employé par dessus ses verres de presbyte. En réalité, il observait discrètement sa future victime, tout en se demandant quel ton il allait bien pouvoir prendre pour exercer son autorité et appliquer sa sentence suprême.
  « Encore un ouvrier nécessiteux, incompétent et limité, comme il se doit ; et affublé d'un physique affligeant, qui plus est », pensait-il en tapotant son Montblanc Meisterstuck Solitaire Platinium en rythme, avec l'index de sa main droite. « En plus, il n'est même pas d'ici. Aucune raison de le ménager ! » Il posa son stylo plume de luxe d'un geste précieux et appuyé sur le bois vernis du bureau. Tel le marteau d’un juge, le claquement sec du métal précieux marqua emphatiquement le moment où le bonhomme allait prendre la parole :
Monsieur, lança t-il sur un ton las, teinté de mépris, en bâclant votre travail pour lequel le groupe Aguer Industries vous paie, vous avez agi de manière complètement anti-professionnelle, et nous avez fait perdre du crédit auprès de notre plus gros client. 
Voyant que son interlocuteur restait de marbre, le regard flou comme absent, mais qu’il ne baissait pas les yeux en signe de soumission, il poursuivit, plus sèchement :
Je lis dans votre dossier que votre supérieur hiérarchique vous a averti à plusieurs reprises, mais vous n'avez semble-t-il pas tenu compte de ses remontrances... Et lorsqu'il y a récidive, on ne peut plus parler de maladresse, mais de sabotage, surtout lorsqu'il s'agit de pièces entrant dans la composition de matériel militaire ! En consé-quence, nous allons devoir prendre une sanction exemplaire et définitive à votre encontre. Vous m'entendez, monsieur... Bodin ?
L'ouvrier, avachi sur sa chaise, les mains posées sur ses jambes, ne broncha pas, mais sa pupille restait toujours froidement fixée sur le visage rougeaud d'Antton Aguer.
Mais c'est qu'il est insolent, le bougre, s'énerva le patron, qui frappa soudainement et avec grand fracas sur son bureau, avec son énorme poing droit. Sa lourde chevalière en or fit une petite encoche profonde de quelques millimètres dans le vernis du bois, mais la seule personne qui sursauta dans la salle, fut l'anxieux Allande, qui leva ensuite les yeux au ciel avec un agacement maniéré, avant de sursauter une seconde fois au son de la voix paternelle courroucée. 
Ho ?! Tu écoutes ce que je suis en train de te dire, espèce de demeuré congénital, rugit le patriarche, exaspéré par le flegme apparent de son ouvrier, qu'il aurait plutôt aimé voir pleurer et supplier, comme il en avait l'habitude dans les grands moments où il exerçait la toute puissance de son pouvoir.

Trente longues secondes silencieuses passèrent, tandis que les regards s'affrontaient, dans une ambiance chargée de calories et d'électricité statique. Antton, qui avait passé la plus grande partie de son existence à hurler après ses semblables pour imposer sa volonté, avait fini par développer une forme de surdité, si bien qu'il n'entendit pas la vibration infrabasse qui semblait venir de nulle part, et qui emplissait la pièce petit à petit. S'il  l'avait entendue, il avait dû la prendre pour un simple acouphène, et n'en avait pas tenu compte. Mais elle ne passa pas inaperçue auprès d'Allande, qui cessa immédiatement de se ronger les ongles, fronça un sourcil, et tendit l'oreille à la recherche de la source de ce bruit inconnu et désagréable.

Patrice Bodin ouvrit alors calmement la bouche et glissa, à peine audible :
Je crois que vous feriez vraiment mieux de penser à votre cœur malade, plutôt que de vous exciter de la sorte, monsieur !
Antton, que tout le monde s'amusait à surnommer ironiquement "Ttun-ttun"* dans son dos (et sans qu'il n’en eut jamais rien su), à cause de sa base large, sa grande capacité de résonance, et le fait qu'il ait plus d'une corde à son arc, en resta bouche-bée, les yeux exorbités ! Au bout de quelques secondes, il se redressa dans son fauteuil, et tourna la tête vers son fils, tout en gardant un œil prudent sur celui qu'il croyait être un être humain normal. Allande, qui n'était pas certain d'avoir bien entendu ce qu'il avait entendu, était davantage concentré sur le bruit de fond qui devenait très vite de plus en plus insupportable et résonnait dans ses plombages dentaires.
Dis-donc, fils, tu as entendu ce qu'il a dit ce c...

Sa phrase resta en suspens. Une sorte d'onde de choc imperceptible semblant émaner du petit ouvrier voûté sur sa chaise altéra la réalité et l'air ambiant, balayant toute la pièce sans autre bruit, ni aucun dégât apparent (...). 
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*Le Ttun-ttun, (prononcer  « tioun-tioun ») est un instrument traditionnel basque de percussion, qui se présente sous la forme d’une cithare/tambourin munie de cordes. Les musiciens l’utilisent fréquemment pour battre le rythme, tout en jouant de la Xirula, flûte droite à trois trous, très utilisée en Soule, et au son très aigu.

vendredi 7 octobre 2011

Chapitre 9 : “Renaissance”

Les premières pages du chapitre 9 de “Contage”, le tome 1 de L’infection, intitulé “Renaissance” :

La porte se referma derrière lui dans un roulis mécanique inquiétant. Le décor auquel il faisait maintenant face était dans le plus pur style post-apocalyptique, très prisé par de nombreuses communautés de MMORPG* Steampunk ou Cyberpunk : une mégalopole gothique déserte, grise, sale et à moitié en ruine, parsemée d'habitations fortement endommagées par des années d'abandon et de guerre civile, qui auraient suivi un hiver nucléaire. Les égouts exhalaient continuellement des colonnes de fumées glauques et putrides, qui montaient vers un ciel menaçant, que jamais un astre solaire faiblard ne parvenait à trouer. Des papiers gras épars flottaient ça et là dans l'air épais et trouble comme les routes de campagne sous  la chaleur du soleil d'été, chargé de particules allergènes et saturé de gaz âcres et probablement toxiques. Des déchets, débris et autres véhicules carbonisés et criblés de balles encombraient les rues où que le regard se pose. Un bruit sourd et distant résonnait par intermittence, interrompu régulièrement par des grésillements sinistres, et des annonces radio inintelligibles et angois-santes. Un peu comme s'il y avait encore une activité industrielle clandestine dans les tréfonds de l'asphalte craquelé. Le bruit du vent était aussi omniprésent, accentuant l'impression de solitude. Parfois, ce silence relatif était dérangé par des cris ou des grognements poussés par quelque créature abominable et sanguinaire, que l'on imaginait, avec raison, embusquée dans un recoin sordide. La ville était quadrillée par tout un réseau de canaux empoisonnés, eux mêmes traversés par les couloirs sinistres d'un métro désaffecté.
Infection portait bien son nom, et chacun de ses mètres carrés était potentiellement mortel.
Dans le corps de son avatar, Patrice comprit confusément dès les premières secondes de présence sur la SIM qu'il avait été dupé en beauté par Beau Smart. Ici, il n'était plus question d'assouvir ses fantasmes virtuels avec Matilda O'Hara, mais de survie pure et simple, car si par malheur il perdait ses points de vie, son esprit serait alors atomisé à tout jamais dans les méandres du web !
Il aurait bien voulu pouvoir revenir en arrière : refuser le marché pipé de Beau Smart, rester dans son corps, quitte à ne pas pouvoir se voir en peinture. Mais c'était trop tard ! Il était là, bloqué sur Infection, et il ne fallait pas qu'il se laisse aller car ici, une seconde de désespoir pourrait bien lui être fatale. Et puis de toute façon, il ne pouvait même plus accéder à la salle de contrôle, relativement sécurisante (par rapport au reste de l'île virtuelle), puisque le sas s'était bel et bien refermé derrière lui. Mieux même : il lui était carrément devenu impossible de dire par où il était passé pour entrer. Derrière lui, il n'y avait aucune porte, pas même un passage protégé avec digicode ; il y avait juste au fond de la ruelle un mur de moellons recouvert d'une sorte de fresque peinte à la bombe et représentant une nonne à l'air vicieux, faisant mine de s'enfoncer un tison ardent dans le derrière ! 
Alors bien sûr, il aurait pu se cacher dans un conteneur poubelles en attendant qu'un avatar passe le portail, mais il n'avait aucune idée du temps qui pourrait couler entre son arrivée et celle, illusoire, d'un éventuel autre. Il ne pouvait pas se permettre de rester plus longtemps dans ce coupe-gorge, où il risquait bien de se faire piéger. Alors il avança prudemment, à tâtons dans la pénombre ambiante.
Il fut surpris de constater que les textures des parois qu'il touchait, quoi que différentes, donnaient toutes la même sensation au toucher : c'était comme une immense surface plane, totalement lisse, et à température uniforme. En dehors de la vue, rien ne lui permettait de distinguer le bois du métal, le plastique du béton. Tout était constitué de la même matière, mais décorée de façon différente. Le lieu n'avait pas non plus d'odeur particulière et il se rendit compte, en mangeant une tablette de chocolat périmée ramassée dans un distributeur de junkfood éventré, que si la nourriture lui procurait encore du bien être (c'était déjà ça !), elle était aussi insipide que le reste. Autant manger un bout de carton, ou un vieux couvercle de Tupperware !
Tu vois, ce n'est pas la réalité, ce n'est pas la réalité, essayait-il de se persuader en mar-monnant, tout en sachant pertinemment que si, justement, tout cela était bien réel, et qu'il ne rêvait pas.
« J'ai pas mérité ça, bordel », se disait-il, cédant à la panique, tout en avançant prudem-ment. Mais au fond, il savait bien que tout ceci n'était que la conséquence directe de son mensonge initial. S'il avait été franc dès le début avec Mathilde, jamais il n'aurait eu à rencontrer ce monstre de Beau Smart. Elle l'aurait certes renvoyé paître dès les premières secondes, mais cela aurait été un moindre mal, et il n'en serait pas là aujourd'hui.
Arrivé au croisement avec une grande avenue, Patrice sortit de ses sombres pensées lorsqu'il entendit distinctement un feulement presque animal provenant du fond de la rue en face. Étrange avertissement quant au danger qu'il pourrait y rencontrer, s'il lui prenait l'envie de s'y aventurer.
Reste concentré, abruti, ou tu vas y passer avant même d'avoir pu la revoir, se morigéna t-il. Rappelle-toi que c'est pour elle que tu es là ! Tu dois te la gagner !

La large allée semblait déserte et dans un état de délabrement similaire à celle d'où il venait. Des files de voitures accidentées et apparemment vides ralentissaient sa progression. Les vitrines fracassées des boutiques alentours probablement pillées depuis longtemps, les portes vandalisées des appartements condamnés sommairement avec des planches vermoulues, des éclats de verre et des canettes de bière vides un peu partout : Patrice ne se sentait vraiment pas à l'aise, dans cette ambiance de fin du monde. Il devait parer au plus pressé : se ravitailler en nourriture, dénicher un abri sûr dans lequel il pourrait dormir sans crainte d'être dérangé, et trouver des armes pour se défendre en cas d'agression. Il se souvenait parfaitement avoir entrevu des images diffusées sur les moniteurs de caméras dans la salle de contrôle de Beau Smart, et il savait que tout était possible sur Infection, et surtout le pire, d'ailleurs.
Un second feulement, plus proche cette fois, se fit entendre alors qu'il passait tout près de la devanture de ce qui avait dû être un salon de coiffure, autrefois. Il fut instantanément suivi d'un grognement agressif, ne laissant aucun doute sur la nature de la créature qui l'avait poussé, et n'allait d'ailleurs pas tarder à se manifester.
Patrice eut juste le temps de se jeter sur le côté, avant que les deux morts-vivants ne l'atteignent. Il heurta durement la tôle carbonisée d'un bus scolaire, et retomba lourdement dans le caniveau, en bordure du canal. Le temps qu'il réalise la situation et qu'il se relève, les deux zombies étaient déjà sur lui ! Un troisième était même en train de sortir de la porte d'entrée du car, à une petite dizaine de mètres de lui. Encerclé, il ne lui restait plus qu'une seule option pour survivre, aussi insalubre et peu ragoûtante soit-elle : fuir en sautant dans le canal, puis courir à travers le dédale de tunnels des égouts.
Il se jeta donc dans le vide, et s'enfonça jusqu'à l'abdomen dans les eaux saumâtres et fétides. Curieusement, il ne ressentit aucune impression d'humidité, mais il se rendit vite compte que les vapeurs nauséabondes environnantes affaiblis-saient son organisme. Et de fait, au contact des fumées toxiques, son avatar perdait 2 points de vie ainsi que 5 points d'endurance toutes les cinq minutes sur un total de 100. Il ne pouvait pas se permettre de rester trop longtemps dans les égouts, bien qu'il sut instinctivement qu'il récupèrerait de ses abattis s'il trouvait des médicaments ou de la nourriture pour compenser.
Comme les morts-vivants l'avaient suivi, il se mit à courir dans l'eau verdâtre dans laquelle flottaient tout un tas d'objets hétéroclites, puis pénétra dans les tunnels vaguement tirés de l'obscurité par les néons de sortie de secours disposés approximativement tous les 20 mètres. Après un énième coude, l'espoir renaquit en lui lorsqu'il tomba sur une échelle en métal qui débouchait sur une plaque d'égout, et lui permit de remonter à la surface et de semer les goules visiblement affamées.
Patrice s'appuya quelques secondespour récu-pérercontre une vieille palissade toute de guingois, recouverte d'affiches de propagande politique délavées. Un état nauséeux, dû à l'aspiration d'émanations mortifères dans les souterrains ne le quittait plus. Mais un gémissement lointain, comme étouffé le sortit de sa torpeur. Il se redressa, essayant tant bien que mal d'ignorer le vertige qui le paralysait, puis tendit l'oreille. En se concentrant, il crut entendre un murmure... Non ! Une voix d'enfant qui appelait "au secours".
« Bon Dieu ! Ne me dites pas qu'il y a un gamin pris au piège ici, dans cette SIM infernale, comme moi », se dit-il, saisi à la gorge d'effroi. Se raisonnant, il réussit à se secouer, puis se rapprocha doucement de là d'où semblait venir l'appel. Plus il s'approchait et plus une impression de panique indicible se renforçait en lui. Cherchant du regard quelque chose qui pourrait lui servir d'arme, il remarqua que plusieurs silhouettes titubantes venaient d'apparaître au bout de la ruelle dans laquelle il se trouvait.
Encore ces foutus zombies, ragea t-il entre ses dents, tout en plaquant son corps dans un recoin d'ombre, entre une vieille boîte postale déglinguée et le panneau publicitaire vantant encore ce qui devait sans doute être une ancienne usine de fabrication de cartons d'emballages. Il remarqua alors un renfoncement improbable, sorte d'impasse exiguë entre deux bâtiments de brique à moitié en ruines, dans lequel il s'engagea. Une horde de rats énormes aussi gros que des chats de gouttière s'en échappèrent, mais semblèrent l'ignorer et ne vinrent pas l'attaquer. Il n'empêche que cette rencontre impromptue l'avait fait sursauter et vainement réprimer un cri.
Les gémissements devenaient de plus en plus nets au fur et à mesure qu'il se rapprochait de leur source, qui semblait être un genre d'atelier derrière une porte blindée entre-ouverte, dans le petit bâtiment lové tout au fond de l'impasse et qui lui faisait maintenant face. Mais les râles lancinants des morts-vivants qui se traînaient à quelques dizaines de mètres derrière lui, enflaient eux aussi. Il n'avait plus guère d'autre possibilité que de pénétrer dans le bâtiment et de refermer précautionneusement  la lourde porte en métal au nez rongé de pourriture et à la barbe de ses poursuivants. Il estima qu'il ne s'en sortait pas si mal, compte tenu du fait que les goules l'avaient rattrapé et grattaient déjà furieusement la tôle en éructant des borborygmes inintelligibles, mais pourtant lourds de sens quant à leurs intentions.
En réalité, comme Patrice s'en aperçut très vite, la porte s'était refermée sur lui telle une dionée vicieuse sur une mouche maladroite (...).
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*MMORPG : Littéralement “jeux en ligne, massivement multi-joueurs”, en français. Il existe de nombreuses communautés d’internautes qui utilisent les mondes virtuels (et notamment Second Life), pour vivre la vie et les aventures de leur avatar par procuration, dans des jeux de rôles en 3 dimensions et à thèmes.

mardi 4 octobre 2011

Combustion spontanée de la Corrida!

Cette nuit encore, j’ai mal dormi. Mais en me réveillant ce matin, j’avais l’illumination pour mon prochain roman!
Il y a deux ans, je rédigeais sur mon autre blog cet article assez virulent contre cette atrocité qu’est la Corrida. L’une des premières phrases de ce pamphlet, est celle-ci : “C’est bien simple : si j’étais un extraterrestre, je génociderais l’humanité rien que pour ça! Car cette ignominie vomitive (…) est bien la preuve qu’on n’apprendra jamais de nos erreurs, ni de notre histoire.
Dans Pandémie, le tome 2 de L’infection, je vais passer à l’acte de la façon la plus théâtrale et caricaturale qui soit… Beau Smart va réduire les arènes de Nîmes à feu et à sang! Car rien n’est trop horrible, ni trop extravagant pour dézinguer une pratique aussi barbare que la Corrida!

Les arènes de Nîmes
 Comme quoi pour moi, écrire un livre -fut-il une fiction- est toujours un exutoire à mes propres colères, à mes propres peurs, à mes propres fantasmes.