lundi 20 septembre 2010

Comme une brebis (galeuse) dans la louverie!

Etienne H. Boyer au concours de chiens de berger à Aramits
Ce week-end, les éditions associatives Astobelarra – Le Grand Chardon sont allées (pour la première fois) exposer au concours international de chiens de bergers d’Aramits. J’y suis allé représenter l’association éditrice le dimanche, et accessoirement dédicacer “Mauvais berger!“. Je n’étais pas dupe : je savais à l’avance que nous n’y ferions pas un chiffre d’affaires record. D’abord parce que l’entrée payante (10€ par personne adulte, 5€ par enfant) était assez prohibitive. Alors qu’on ne s’y trompe pas, avec le temps radieux, il y a eu beaucoup de monde mais les bourses étaient clairement vides.

L’autre raison de mes doutes, c’est qu’Astobelarra est une association à fortes tendances écologistes, avec des idées qui entrent en contradiction avec le pastoralisme des temps modernes, cet-à-dire celui des bergers qui ne veulent pas de l’ours (qui je le rappelle, était dans la montagne bien avant l’homme…), tout en vivant de son image. Évidemment, nous n’affichons pas ostensiblement ces convictions (peu importe la manifestation à laquelle nous participons, d’ailleurs), mais c’est une évidence pour ceux qui suivent nos blogs respectifs, et pour ceux qui lisent les livres issus de notre production (ou au moins les 4èmes de couvertures…) comme notre petit dernier, prévu pour décembre.

Enfin, les gens venaient surtout pour voir le travail des chiens, voire pour avaler rapidement quelque nourriture issue de l’agriculture locale (bière incluse), et pas vraiment pour acheter des livres, c’est une évidence!

Donc malgré un tout petit score de 23€ (on ne rembourse même pas la présence de notre stand à cet évènement qui était de 25€), je resterai globalement positif. D’abord parce que j’ai rencontré plein de gens, qui sont venus spontanément me parler de plusieurs choses, me permettant d’en déduire d’autres auxquelles je n’avais jamais pensé. Commençons par quelques perles recueillies :

- un papy-berger est venu me tenir la jambe pendant une bonne heure. Tout en lisant la 4ième de couverture, il m’a demandé pourquoi je ne m’étais pas entendu avec la bergère. “Une histoire d’amour qui s’est mal terminée, peut-être?” Ça m’a beaucoup fait rire, et surtout ça m’a rappelé mon propre grand père qui avait tendance à devenir un peu fleur-bleue, avec l’âge! Comme si les sentiments amoureux pouvaient tout expliquer…

- Un groupe de gamines (dont la plus jeune devait avoir 6 ans et la plus vieille 10) s’est arrêté devant mon stand. Pointant du doigt la couverture de “Mauvais berger!“, l’ainée a déclaré : “Ah tiens! Mauvais berger! On l’a à la maison, je l’ai lu…” Surpris, j’ai questionné la jeune fille : “Hein??? Et tes parents t-ont laissé faire? C’est tout plein de gros mots horribles!” (sans parler des idées qui heurtent déjà pas mal les adultes!). Réponse du tac au tac avec un gloussement malin : “oui, et j’ai bien aimé, c’est super drôle!” Décidément, les enfants d’aujourd’hui n’arrêteront pas de me surprendre!

Le travail du berger et de ses chiens. Fascinant et effrayant.
- Plusieurs personnes (des mémés un peu acariâtres, surtout) se sont exclamées en passant “Mauvais berger? Mais il n’y a pas de mauvais berger ici, monsieur!“, auxquelles j’ai invariablement répondu : “Mais si! Vous en avez un beau spécimen devant vous!“, assorti d’une belle grimace de psychopathe dont j’ai le secret, ce qui leur rendait illico le sourire… J’ai réalisé qu’en fait, en écrivant ce livre, j’avais heurté un tabou. Pour les gens d’ici (qui ont l’air d’idéaliser un tout petit peu la profession), c’est un peu comme s’il ne pouvait décemment pas exister de mauvais bergers, comme il existe de mauvais profs ou de mauvais flics… Et pourtant!

- Un jeune homme auquel j’ai dédicacé le livre, représentant une association de promotion de la réintroduction du Patou des Pyrénées dans les estives, m’a demandé si j’allais venir à la foire très célèbre qui a lieu chaque année dans la vallée où se déroule l’histoire de “Mauvais berger!“. J’ai répondu : “Non. Il y a des limites. S’il devait exister une frontière virtuelle que le livre et son auteur ne dépasseraient pas, ce serait cet endroit là. Je n’y ai d’ailleurs jamais remis les pieds depuis 1999, c’est dire!” Pourtant, il va bien falloir que j’y retourne un de ces jours, ne serait-ce que pour montrer à mes enfants à quel point c’est beau…

- Un couple est arrivé devant moi. Mari et femme ont tenu à me serrer la main et à me tutoyer. “Merci pour ton livre. Tu sais, on a vécu la même chose que toi avec les mêmes personnes, quasiment au mot pour mot! On a découvert Mauvais berger en écoutant l’interview que tu as donnée sur Radio Mendililia (en 2008, NDEHB). On était en plein dedans! Alors on l’a acheté, on l’a lu et relu, et puis on l’a fait tourner à tous ceux qu’on connaissait!” Eux sont exploitants agricoles, et avaient donné leurs brebis en garde à Nanette et Christophe*. Je vous passe les détails, mais apparemment ça a été très chaud! Bien entendu, ils ont changé de lieu de pension pour leurs bêtes, depuis…

En conclusion, je dirais que “Mauvais berger!” est une singularité dans le milieu agricole (local ou non d’ailleurs). Avec ce livre, j’ai montré ce que tout le monde sait mais ne veut/peut pas encore accepter. Et puis qu’un ouvrier agricole puisse avoir le niveau (scolaire) et les couilles d’écrire un livre qui dénonce les agissements et la perversité de ses anciens patrons, ça ne s’est jamais vu. C’est comme une fêlure dans les certitudes et les habitudes, et surtout ces sacro-saintes traditions qu’il faut à tout prix protéger, même lorsqu’elles sont mauvaises.

Bref, à Aramits au début, je me suis senti un peu comme une brebis (galeuse) dans la tanière des loups (en référence à “Babe, le cochon devenu berger“). Sauf qu’aucun loup ne m’a croqué! Je dirais même – si je n’ai vendu que deux livres en tout et pour tout- que j’ai été globalement bien accueilli. Comme quoi…
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*Noms d’emprunt des exploitants agricoles pour lesquels j’ai travaillé comme aide-berger en 1998 et 1999, et personnages principaux du livre.

jeudi 16 septembre 2010

“Mauvais berger!”, quelques précisions s’imposent…

Hier, Laurent Caudine (Astobelarra – le Grand Chardon) a reçu un coup de téléphone d’une personne qui n’a pas donné son nom, mais qui avait l’air particulièrement remontée contre “Mauvais berger!“,  mon récit autobiographique illustré.
N’ayant malheureusement pas assisté à la discussion, je ne peux donc pas reprendre les arguments qui ont été avancés de manière exacte. 

Selon Laurent, ce monsieur (qui apparemment connaitrait quelques protagonistes du livre) aurait -entre autres choses- affirmé que je “dépeignais un tableau totalement faux” du milieu pastoral, et qu’il “ne comprenait pas comment Astobelarra avait pu publier ça“. Je peux bien accepter (même si ça m’arrache le cul) qu’on critique ce livre sur sa forme (le style, les dessins, etc.)  comme ça l’a déjà était fait ici par exemple, mais le fond est ce qu’il est :  à savoir un témoignage d’une expérience professionnelle personnelle vécue à un instant T et à un endroit précis, avec des gens particuliers. Et comme je l’ai écrit ailleurs sur ce blog, j’ai rencontré plusieurs autres personnes qui ont vécu la même chose que moi, au même endroit et avec les mêmes personnes, mais à des moments différents…

Je vais donc répondre simplement qu’il s’agit d’une question de point de vue et de bonne foi. Comme je le dis d’ailleurs très clairement en conclusion du livre, “ce récit ne prétend pas détenir la vérité universelle et absolue, mais uniquement celle -très subjective- de son auteur. Son but avoué est de jouer pleinement son rôle de catharsis“. Il s’agit donc d’une tranche de vie que j’ai vraiment vécue (sans RIEN inventer, et en essayant de respecter la chronologie d’après ma mémoire), avec des gens et des lieux qui existent vraiment (bien que je les aie renommés). C’est donc en toute logique une histoire que j’ai relatée de mon point de vue, avec mon ressenti et ma manière de dire les choses, et n’est aucunement à considérer comme une façon de rejeter la faute sur les autres. Dans ce livre, comme continuellement dans ma vie, je ne cesse de me remettre en question. Et je ne me dépeins jamais comme un héros vengeur et incorruptible, mais plutôt comme le “brave type” (au sens péjoratif du terme) un peu faible qui se fait avoir du bout en bout.

Au final, qu’on soit bien clair, je me garde bien de faire des généralités et d’affirmer - par exemple - que tous les paysans (bergers comme les autres) des Pyrénées Atlantiques sont des bourrins esclavagistes. Je précise seulement que “ceux sur lesquels je suis tombé étaient particulièrement gratinés”. Donc il serait bien que mes écrits ne soient pas détournés, et qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai jamais dit! Par ailleurs, si ce livre s’appelle “Mauvais berger!“, c’est pour une bonne raison.
Et, jusqu’à preuve du contraire, si des personnes complètement étrangères à cette histoire se sentent visées, c’est qu’elles ont forcément des choses à se reprocher…

Ce livre, je l’ai d’abord écrit pour moi, mais aussi pour tous ceux qui - comme moi en mon temps - se laisseront aveugler par des rêves dorés d’adolescents attardés et finiront fatalement par tomber de très haut. Je l’ai écrit aussi pour tous ceux qui ont enduré les affres du harcèlement moral, qu’ils aient été berger, manutentionnaire, boulanger, ostréiculteur, apprenti plombier, correspondant local de presse, fonctionnaire, ou femme au foyer.

Enfin, pour répondre à la seconde partie de l’attaque, je dirais ceci : qu’Astobelarra (ou toute autre maison d’édition) ait décidé de publier cette histoire ou non, ça ne changerait en aucun cas le fait que je l’aie vraiment vécue. Et je défie ce monsieur mécontent (dont je ne sais pas, finalement, s’il a lu le livre ou non – si je pose la question, c’est que j’ai un doute…) de raconter cette histoire de manière différente, sans omettre de détails et surtout sans mentir. Je le défie de trouver des témoins objectifs pour corroborer ses dires, et contrecarrer les miens…