mardi 5 août 2025

LA DEUXIÈME FOIS QUE JE SUIS ALLÉ CHEZ LUI #journaldurêve


Cette nuit, j'ai rêvé que j'allais manger chez un certain Jean-Michel Oçafrain, dit "Alfitcha", qui habitait une vieille ferme du côté d'Idaux-Mendy. Cet Alfitcha était un improbable mix entre un paysan soixante-huitard attardé fraîchement à la retraite et un riche héritier d'une famille consanguine. Il ne faisait pas restaurant ni bar, mais il y avait tout le temps du monde chez lui : des jeunes désœuvrés qui venaient manger et se saouler gratuitement (il fallait avoir envie, vu la crasse de la maison, des ustensiles de cuisine et des couverts), des petits vieux qui jouaient au Mus... et des filles "aux mœurs légères". Pas des prostituées, non, mais des filles qui se faisaient entretenir par les visiteurs ou par notre hôte, contre quelques faveurs sexuelles ou non, du reste. Par exemple, l'une d'elles, un peu retardée, décatie, comme en perpétuelle sortie de bad trip au Fentanyl, était chargée de masser les horribles pieds sales et puant le Munster d'Alfitcha et n'était connue que pour ça. Mais ça allait car elle-même n'était d'ailleurs pas très appétissante.

Dans mon rêve, c'était la deuxième fois que j'allais chez lui. La première fois, c'était il y a des années, lorsque j'étais encore correspondant local de presse chez Sud-Ouest. J'avais fait un reportage sur lui parce que sa femme officielle (roumaine) venait de le quitter en emportant une partie de sa fortune avec elle. Il avait décidé d'entreprendre un voyage en Roumanie avec un ami, afin de la retrouver et de récupérer ses biens. A priori, il avait réussi.

Alfitcha, que j'appelais Jean-Michel (ne m'autorisant pas à employer son nom de maison pour l'interpeller), avait un faux air de Fétus, le chanteur d'Ultra Vomit, mais en plus âgé. Maigre et glabre, l'œil malicieux, le cheveux long et gras, un nez Bourbon, de la couperose. C'était un être assez étonnant, entre le gourou libertaire et le péquenaud cracra.

Il faut que je décrive la maison : c'était une vieille ferme sale et peu entretenue, les terrains alentours étaient ensauvagés et jonchés de vieux tracteurs rouillés, de frigos morts, de détritus divers. L'intérieur de la maison était à l'avenant. Entre vieux manoir parcouru de dédales sombres et grotte aménagée, avec un sol en poussière et terre battue, sur lequel étaient posés tantôt de grandes tables et bancs en bois vermoulu, tantôt des matelas et couettes crasseux.

Cette fois-ci, je m'y étais rendu juste pour manger. J'avais envie d'un bon confit de canard (avec des frites bien grasses) et le sien était réputé dans toute la vallée. Le vin qui était à notre disposition était un tord-boyaux infect, mais on ne s'en rendait plus compte au bout de trois verres. Et comme tout était gratuit, hein ? On n'allait pas se plaindre, en plus !

Alfitcha se souvenait de moi, vingt ans plus tard, et voulait que je lui fasse un nouvel article car il envisageait de repartir en voyage, sur les sentiers de guerre de la grande Russie, ce coup-ci. Il était passionné par ce pays et idolâtrait Staline. D'ailleurs, il ne pouvait s'endormir qu'avec un casque audio diffusant un discours de deux heures du tyran moustachu russe, tandis que son "esclave" fétichiste des pieds lui massait les siens. À noter : le discours commençait par la citation qu'on entend en introduction de The Power, du groupe Snap ! (Amerikanskaya firma Transceptor Technology. Pristupila k proizvodstvu komp'yuterov "Personal'nyy sputnik"). Mais je ne pouvais pas l'aider. Je n'étais plus correspondant local de presse. Et j'étais fin bourré. Je me suis allongé sur le matelas le moins sale que j'ai trouvé et j'ai essayé de dormir. Mais ça sentait trop mauvais la vieille fouine morte et la pisse. 

Je me suis relevé et, toujours avec le vertige de la piquette ingurgitée, je m'en suis retourné à ma voiture, garée parmi les autres contre un fossé. Je me disais que j'allais essayer de faire une petite sieste avant de décoller, à cause des gendarmes. Tandis que je titubais sur le sentier mal défriché, Alfitcha m'a dépassé sur son vieux Solex, qu'il guidait avec la même majesté que s'il conduisait une Harley Davidson
Il partait pour la Russie...

Et le réveil a sonné.

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