mardi 10 octobre 2017

Désolé mais dans la vie, il n'y a pas de gentil chien géant pour te tirer d'affaire...

Instant de pure nostalgie que cette petite anecdote métaphorique familiale...

Je vous ai sûrement déjà raconté comment "je m'endors au volant" régulièrement. En fait, je ne m'endors pas vraiment. C'est juste mon esprit qui vogue dans les méandres de mon passé, qui reconstruit ou réinvente son histoire (ou son futur, parfois), tandis que je conduis (au radar). 

L'autre jour, pendant un de ces fameux moments, je me remémorais un souvenir du temps où je jouais aux Big Jim / Action Joe avec mon petit frère. C'était avant la naissance de mon second frère, autant dire que j'avais moins de 11 ans (ce qui me donne une excuse valable pour mon comportement :D ).
Donc nous jouions avec nos bonshommes articulés. Forcément, comme j'étais l'aîné, j'étais le héros : Jim, le plus fort de tous les agents secrets au visage multiple, le tireur d'élite qui ne mourait jamais, même quand il se faisait tuer.
Ou alors j'étais Actarus, prince d'Euphor, ça dépendait de l'histoire. Et comme on gérait plusieurs personnages en même temps, j'étais aussi Grattus, le méchant et cruel Action Joe aux doigts mâchouillés et à l’œil crevé (on le lui avait colorié avec un crayon à papier).

Quant à mon frangin, il n'avait pas trop le choix et officiait souvent en tant que second rôle : celui du faire-valoir, tant chez les gentils que chez les méchants. Lui, il avait hérité du Professeur OBB (qu'il voulait utiliser comme un gentil - Hahaha, avec sa gueule de vieux vilain !), d'Alcor (also known as "le gros nullos avec sa soucoupe qu'on dirait un pot de chambre") et de "Zeyzza", une ridicule autant qu'affreuse petite poupée, toujours toute nue, avec sa touffe de cheveux hirsutes qu'on aurait dit fabriquée à partir des poils de cul de Chewbacca.
(On avait aussi un autre personnage qu'on avait appelé "Cacatutu", mais je vous en causerai une autre fois...)

Comme de bien entendu, la destinée du faire valoir est souvent de mourir sous les coups du méchant, pour donner le beau rôle au héros (qui le vengera par la suite - enfin normalement...). Et fatalement, cela arrivait au bout d'une heure (parfois moins). Cela coïncidait comme par hasard avec le moment où j'en avais marre de jouer avec mon frère. La vie est bien faite, quand même... 

Je m'évertuais donc régulièrement à tuer (de façon plus horrible à chaque fois - et ça ne m'a pas quitté puisque je continue à le faire dans mes romans) les personnages de mon frangin qui, au bord des larmes, accablé par mon immense sadisme, allait chercher son nounours (un chien en peluche géant portant un pantalon à carreaux, qu'il avait appelé "Jimmy" et qu'il avait appris à tenir toujours à portée de mains, au cas où) pour écraser mes personnages ou, selon l'humeur du moment, ressusciter les siens "magiquement".

En général, il ponctuait le geste par un frénétique : "mais non, parce que tout à coup, on aurait dit que Jimmy le gentil chien géant serait venu pour sauver Alcor !"
C'est qu'il incarnait parfaitement son personnage, le faisant marcher comme Godzilla, chaque pas faisant trembler le sol de la salle de jeux : Brouf ! brouf ! brouf ! 

Et là, gargarisé d'une mauvaise foi absolue, je prenais un plaisir malsain à lui expliquer que décidément : "non, ça s'peut pas : la magie ça n'existe pas pour de vrai" (à part dans les émissions de Garcimore ou de Gérard Majax). "Quand t'es mort, t'es mort, point. Tu t'appelles pas Jésus !".
Et, sans scrupule, je lui assénais le coup de grâce en le sermonnant sentencieusement : "il faut arrêter de croire au père Noël : les gentils chiens géants qui viennent vous sauver la mise au dernier moment, ça n'existe pas non plus, na !"
Quand ça ne marchait plus avec Jimmy, il invoquait un Dieu quelconque de son invention, qui finissait invariablement comme le gentil chien géant : vaporisé dans le néant du "ça s'peut pas". 

J'avoue que, sur ce coup-là, j'étais vraiment un grand frère de merde, même si je romance un peu tout ça (déformation professionnelle) !

En général, tout cela se terminait en pugilat et j'avais souvent le dessus (privilège de l'âge). Suite à quoi mon pauvre frère, dépité et jurant ma perte, partait rager dans sa chambre.

Mais, ça, c'était uniquement les fois où mes parents ne venaient pas nous séparer en nous forçant à nous faire la bise, avant de nous renvoyer chacun dans nos chambres respectives, pleurant et rouges de colère.  

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