mercredi 29 janvier 2025

LA CANTATRICE


J'assiste à un spectacle de chant lyrique dans une longue salle blanche, avec des tables et des chaises immaculées aussi, disposées en quinconces de chaque cotés d'un chemin central. Quelques plantes majestueuses ornent les côtés, des bouquets de fleurs blanches et roses trônent sur les tables et des voiles blancs pendus au plafond adoucissent la rugosité des murs bruts. On se croirait à un mariage kitsch, sans invités. 

Au bout de la salle, trône une scène sur laquelle se produit un homme un peu grassouillet et d'un certain âge, déguisé en femme. Il-elle porte un tenue mi-affriolante, mi-futuriste composée de sous-vêtements, d'un corset et de portes-jarretelles aux reflets argentés, que recouvre une espèce de cape en tulle. Ses longs cheveux argentés sont dressés sur sa tête, un peu comme s'il avait malencontreusement pris le jus avant que les rideaux ne soient tirés. 

Le chanteur a une voix d'ange, mezzo soprano, magnifique. Il-elle déambule avec grâce sur la scène, faisant virevolter sa cape transparente qui ressemblent à des ailes ; on dirait une apparition divine. Je connais l'air qu'il-elle chante, mais impossible de mettre un titre ou un compositeur dessus. Je sais juste que l'interprétation est magique. 

À la fin de son set, il-elle encourage la salle à reprendre en chœur avec lui-elle et à venir sur scène, mais je suis le seul spectateur, avec une femme un peu guindée qui joue les présentatrices assise à la première table. Moi, je suis assis au fond de la pièce et tout en admirant le spectacle, je sirote un liquide rose, sur lequel flotte un genre de mousse dense et qui m'a l'air très sucrée, mais que je n'arrive pas à attraper avec ma paille. 

Je ressens une gêne, de la pitié pour cet artiste, qui a donné tout ce qu'il pouvait devant un unique spectateur. Mal à l'aise, je finis par me lever pour aller saluer la cantatrice en criant de grands bravos. Je pose mon verre sur la première table et lorsque je m'apprête à grimper la volée de marches qui montent sur la scène, je vois le chanteur qui s'est déjà rhabillé en homme, il a ôté sa perruque argentée et porte un complet gris et des lunettes à écailles.

Il descend vers moi en rajustant sa veste. Je le félicite, il me remercie en me serrant la main mais je sens un peu de tristesse dans sa gestuelle, dans son expression. 

Et je me réveille. On est le 29 janvier 2024, il est 5h30.

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