samedi 25 novembre 2023

Ecrire un roman : anatomie d'une obsession

J’en ai déjà parlé dans un billet précédent, mais ces derniers temps, j’éprouve une drôle de sensation, que je connais pour l’avoir déjà vécue cinq fois, que j’adore mais que je redoute également ! Je veux parler de cet état d’excitation intense, de fébrilité qui m’étreint lorsque je suis sur le point de me lancer dans l’écriture d’un nouveau livre, ou alors de poser le point final à un manuscrit en cours. Et c’est cette deuxième raison qui m’obsède en ce moment.

C’est tellement fort que j’ai l’impression que toutes les molécules de mon corps vibrent à l’unisson, tandis que mon cerveau baigne dans une espèce de lave glaciale et gluante. Cette sensation de repli sur soi est si dingue qu’on dirait que mon esprit s’avale lui-même, un peu comme si l’univers tout entier implosait, s’auto-aspirant vers un point gravitationnel central irrésistible. C’est totalement grisant, mais malheureusement, le revers de la médaille est à l’avenant.

Je ne pense qu’à ce livre, sans arrêt, au détriment de tout le reste. Impossible de me concentrer plus de quelques minutes sur autre chose. Je fais tout machinalement, sans y penser, par pur automatisme. Dans ces moments-là, même mon travail peut passer en tâche de fond. Toute mon essence turbine à 100% pour Le moment ou jamais ; et tous les autres aspects de ma vie quotidienne, dont certains vitaux, passent au second plan.

Mon corps m’échappe. Pour vous donner un exemple concret : je dois parcourir 74 km en voiture pour aller au bureau. Dès que j’ai rejoint la route, je me mets en mode « pilotage automatique » sans même m’en rendre compte et je « ne vois plus rien » jusqu’à ce que j’arrive à destination. Je conduis, bien sûr, mais sans vraiment voir la route. Parfois un danger intempestif me tire de ma transe, mais c’est pour mieux y replonger, encore plus profondément, quelques instants plus tard.

Je ne vous cache pas que ce n’est pas facile à vivre, mais c’est surtout pour l’entourage que c’est le plus compliqué. J’écoute sans écouter, je réponds aux sollicitations mais souvent par onomatopées, ou à côté de la plaque… Mon ex-épouse, que cela horripilait, me disait « tu es là mais en fait, tu n’es pas là ». C’est une bonne description du phénomène. C’est probablement une des raisons qui a fait qu’aujourd’hui, je parle d’elle comme de « mon ex ».

Dans ces moments difficiles, je vous jure que je lutte contre moi-même. Je m’épuise à tenter de garder un pied dans le monde réel, parce que je n’ai pas envie que ça recommence. J’aime ma compagne et je ne veux en aucun cas lui faire de la peine. Mais c’est plus fort que moi. Mes pensées m’assaillent et m’enveloppent comme un linceul sinistre, et cela me demande une énergie folle de les contenir.

Alors pour temporiser, je m’accroche au jalon de mes prochaines vacances, qui s’approchent lentement, mais sûrement. Noël et le premier de l’an ne seront qu’un détail sans importance, cette année car j’ai l’intention de consacrer le plus clair de mon temps à terminer ce projet que j’ai entrepris il y a deux ans. Entretemps, j’essaye de garder tant bien que mal la tête hors de l’eau mais combien de temps encore, avant que je ne me noie ?

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