(Photo Garak01 | Pixabay) |
Ian la vire du lit avec pertes et fracas. Le réveil est
instantané : elle se casse la gueule sur le plancher poussiéreux, jonché
de sopalins froissés remplis de foutre, et se cogne la tête contre un ampli
guitare à moitié démonté, stocké dans la chambre du musicien.
— Go get the dope, bitch ![1]
Valentine se redresse et sort de la chambre. Ian a le temps de lui balancer une
de ses rangers avant qu’elle ait atteint le couloir. Elle se la prend en plein dans
l’omoplate. Comme si elle était atteinte de la tremblante, elle s’appuie tant
bien que mal sur les murs infâmes du couloir et trouve la porte de la salle de
bain. Andy trempe déjà dans la baignoire. Il a posé une planche en travers du
rebord et joue aux échecs, tout en fumant un joint. Ses pics fluos trempés sont
repliés à l’arrière de son crâne. Il aurait presque l’air d’un jeune premier en
partance pour son mariage. Il lève la tête et la toise comme s’il venait de
surprendre un arachnide répugnant en train de crapahuter sur la faïence à
moitié déglinguée. Il finit par grimacer, tout en expirant un long jet de fumée
cannabinoïde :
— Jesus, you look like shit, Val.[2]
Elle se regarde dans le miroir. Effectivement, c’est pas brillant.
— Sorry for this nightmare sight. I need to make myself up before I « go
shopping ».[3]
— Feel comfortable, it’s not as if you hadn’t seen my dick before…[4]
Il a raison. Pas besoin de faire la gazelle effarouchée. Elle est quand même restée
en couple avec lui pendant six mois, avant qu’il ne se lasse de leurs ébats
sexuels pourtant débridés, et ne passe à une nouvelle conquête. Entretemps, Valentine
a insensiblement sombré dans la dépendance et la déchéance. Et c’est tout
naturellement que l’odieux Ian – le véritable chef et seul compositeur du
groupe – a hérité de sa carcasse défraîchie de junkie. Elle ne l’aime pas
comme elle a aimé Andy, mais entre les moments où il lui fout de
mémorables tannées, il sait aussi être tendre et généreux avec elle. Elle vit
donc à ses crochets depuis quelques semaines, tant qu’elle fait ce qu’il lui
demande, à savoir être sa chose et jouer les mules, essentiellement.
Tandis qu’elle applique le plus consciencieusement possible un coup de crayon
noir sur ses paupières, elle remarque dans la glace qu’Andy a arrêté de jouer.
Il a comme un regard hanté vers son arrière-train. Elle soulève légèrement sa
chemise et se penche en avant afin de l’aider à mieux contempler le pli de peau
qui lie son sexe à son anus. Sa chatte est à portée de sa main, mais il n’esquisse
aucun geste vers elle. Dans son état, regarder et se branler discrètement sous
l’eau semble lui suffire. Valentine est déçue et met fin au spectacle en se
retournant innocemment vers lui :
Elle prend un air faussement choqué :
Il pose sa tablette sur la cuvette des toilettes attenante. La reine blanche perd
l’équilibre et tombe dans le trou, mais ça n’a pas l’air de lui faire de l’effet :
la « Marie-Jeanne » l’a suffisamment détendu. Il se lève, tout
ruisselant du bac.
— Sure.
Valentine pique une Camel dans le paquet d’Andy et l’allume. Il ne s’offusque
pas : c’est pas cher payé pour lui rapporter sa dose.
Tandis qu’elle tire avidement sur le cylindre, elle remet ses crayons dans sa
trousse à maquillage qu’elle repose sur le bord de la fenêtre, à côté de celles
de Faith et Tracy, puis prend la porte, sans un mot.
*****
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[1] Va
chercher de la drogue, salope !
[2] Bon Dieu,
t’as une sale gueule, Val.
[3] Désolé
pour ce spectacle de cauchemar. J'ai besoin de me maquiller avant de « faire du
shopping ».
[4] Met-toi
à l’aise, c’est pas comme si tu n’avais jamais vu ma bite.
[5] Tu
exagérais tout à l’heure : c’était pas si moche. Regarde ! me voilà,
toute neuve !
[6] C’est un
truc que j’ai toujours aimé chez toi : tu sais te vraiment maquiller comme
une voiture volée ! Ça doit être un truc de française.
[7] Ça,
c’est raciste, Andy !
[8] Dis-moi
quand tu as fini, j’ai besoin de chier.
[9] Ok, j’en
ai assez entendu. T’as besoin que je te ramène quelque chose du marché ?
[10] Tu connais très bien mon poison.
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