Etienne H. Boyer au concours de chiens de berger à Aramits |
Ce week-end, les éditions associatives Astobelarra – Le Grand Chardon
sont allées (pour la première fois) exposer au concours international
de chiens de bergers d’Aramits. J’y suis allé représenter l’association
éditrice le dimanche, et accessoirement dédicacer “Mauvais berger!“.
Je n’étais pas dupe : je savais à l’avance que nous n’y ferions pas un
chiffre d’affaires record. D’abord parce que l’entrée payante (10€ par
personne adulte, 5€ par enfant) était assez prohibitive. Alors qu’on ne
s’y trompe pas, avec le temps radieux, il y a eu beaucoup de monde mais
les bourses étaient clairement vides.
L’autre raison de mes doutes, c’est
qu’Astobelarra est une association à fortes tendances écologistes, avec
des idées qui entrent en contradiction avec le pastoralisme des temps
modernes, cet-à-dire celui des bergers qui ne veulent pas de l’ours (qui
je le rappelle, était dans la montagne bien avant l’homme…), tout en
vivant de son image. Évidemment, nous n’affichons pas ostensiblement ces
convictions (peu importe la manifestation à laquelle nous participons,
d’ailleurs), mais c’est une évidence pour ceux qui suivent nos blogs
respectifs, et pour ceux qui lisent les livres issus de notre production
(ou au moins les 4èmes de couvertures…) comme notre petit dernier, prévu pour décembre.
Enfin, les gens venaient surtout pour
voir le travail des chiens, voire pour avaler rapidement quelque
nourriture issue de l’agriculture locale (bière incluse), et pas
vraiment pour acheter des livres, c’est une évidence!
Donc malgré un tout petit score de 23€
(on ne rembourse même pas la présence de notre stand à cet évènement qui
était de 25€), je resterai globalement positif. D’abord parce que j’ai
rencontré plein de gens, qui sont venus spontanément me parler de
plusieurs choses, me permettant d’en déduire d’autres auxquelles je
n’avais jamais pensé. Commençons par quelques perles recueillies :
- un papy-berger est venu me tenir la
jambe pendant une bonne heure. Tout en lisant la 4ième de couverture, il
m’a demandé pourquoi je ne m’étais pas entendu avec la bergère. “Une histoire d’amour qui s’est mal terminée, peut-être?”
Ça m’a beaucoup fait rire, et surtout ça m’a rappelé mon propre grand
père qui avait tendance à devenir un peu fleur-bleue, avec l’âge! Comme
si les sentiments amoureux pouvaient tout expliquer…
- Un groupe de gamines (dont la plus
jeune devait avoir 6 ans et la plus vieille 10) s’est arrêté devant mon
stand. Pointant du doigt la couverture de “Mauvais berger!“, l’ainée a déclaré : “Ah tiens! Mauvais berger! On l’a à la maison, je l’ai lu…” Surpris, j’ai questionné la jeune fille : “Hein??? Et tes parents t-ont laissé faire? C’est tout plein de gros mots horribles!” (sans parler des idées qui heurtent déjà pas mal les adultes!). Réponse du tac au tac avec un gloussement malin : “oui, et j’ai bien aimé, c’est super drôle!” Décidément, les enfants d’aujourd’hui n’arrêteront pas de me surprendre!
Le travail du berger et de ses chiens. Fascinant et effrayant. |
- Plusieurs personnes (des mémés un peu acariâtres, surtout) se sont exclamées en passant “Mauvais berger? Mais il n’y a pas de mauvais berger ici, monsieur!“, auxquelles j’ai invariablement répondu : “Mais si! Vous en avez un beau spécimen devant vous!“,
assorti d’une belle grimace de psychopathe dont j’ai le secret, ce qui
leur rendait illico le sourire… J’ai réalisé qu’en fait, en écrivant ce
livre, j’avais heurté un tabou. Pour les gens d’ici (qui ont l’air
d’idéaliser un tout petit peu la profession), c’est un peu comme s’il ne pouvait décemment pas exister de mauvais bergers, comme il existe de mauvais profs ou de mauvais flics… Et pourtant!
- Un jeune homme auquel j’ai dédicacé le livre, représentant une association de promotion de la réintroduction du Patou des Pyrénées
dans les estives, m’a demandé si j’allais venir à la foire très célèbre
qui a lieu chaque année dans la vallée où se déroule l’histoire de “Mauvais berger!“. J’ai répondu : “Non.
Il y a des limites. S’il devait exister une frontière virtuelle que le
livre et son auteur ne dépasseraient pas, ce serait cet endroit là. Je
n’y ai d’ailleurs jamais remis les pieds depuis 1999, c’est dire!”
Pourtant, il va bien falloir que j’y retourne un de ces jours, ne
serait-ce que pour montrer à mes enfants à quel point c’est beau…
- Un couple est arrivé devant moi. Mari et femme ont tenu à me serrer la main et à me tutoyer. “Merci
pour ton livre. Tu sais, on a vécu la même chose que toi avec les mêmes
personnes, quasiment au mot pour mot! On a découvert Mauvais berger en écoutant l’interview que tu as donnée sur Radio Mendililia (en 2008, NDEHB). On était en plein dedans! Alors on l’a acheté, on l’a lu et relu, et puis on l’a fait tourner à tous ceux qu’on connaissait!” Eux sont exploitants agricoles, et avaient donné leurs brebis en garde à Nanette et Christophe*.
Je vous passe les détails, mais apparemment ça a été très chaud! Bien
entendu, ils ont changé de lieu de pension pour leurs bêtes, depuis…
En conclusion, je dirais que “Mauvais berger!”
est une singularité dans le milieu agricole (local ou non d’ailleurs).
Avec ce livre, j’ai montré ce que tout le monde sait mais ne veut/peut
pas encore accepter. Et puis qu’un ouvrier agricole puisse avoir le
niveau (scolaire) et les couilles d’écrire un livre qui dénonce les
agissements et la perversité de ses anciens patrons, ça ne s’est jamais
vu. C’est comme une fêlure dans les certitudes et les habitudes, et
surtout ces sacro-saintes traditions qu’il faut à tout prix protéger,
même lorsqu’elles sont mauvaises.
Bref, à Aramits au début, je me suis senti un peu comme une brebis (galeuse) dans la tanière des loups (en référence à “Babe, le cochon devenu berger“). Sauf qu’aucun loup ne m’a croqué! Je dirais même – si je n’ai vendu que deux livres en tout et pour tout- que j’ai été globalement bien accueilli. Comme quoi…
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*Noms d’emprunt des exploitants
agricoles pour lesquels j’ai travaillé comme aide-berger en 1998 et
1999, et personnages principaux du livre.
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