Sans salle de stockage refroidie et aux
normes européennes, et sans électricité, on pourrait se demander comment
les bergers conservent leurs fromages en estive. Les ancêtres, qui
n’avaient pas non plus de voitures et étaient obligés –par la force des
choses- de transformer et affiner sur place avant de pouvoir redescendre
leur production (beaucoup plus modeste) à dos de mule, n’étaient pas si
bêtes : ils avaient leurs propres recettes!
Aujourd’hui, il ne reste plus grand
chose de ces astuces des anciens; la faute au progrès qui véhicule
autant de bon (pour les conditions de travail des paysans) que de
mauvais (pour la Nature et la biodiversité). Les pistes « carrossables »
ont fait leur apparition, et l’on peut redescendre dans la vallée à
grand coup de 4×4 en moins de deux heures, à chaque fois que c’est
nécessaire ou que ça ne l’est pas!
Sur le plateau de Fricoulet, les fromages sont stockés dans une
vieille borde préservée de la ruine par les bergers depuis des
générations. Ils sont suspendus sur des planches en bois, attachées aux
poutres de la grange par des fils de raphia synthétique bleu-ciel,
essentiellement pour les protéger de la « vermine » (renards, loirs,
souris, ou insectes rampants). Les murs de la bâtisse, en véritables
pierre du gave épaisses et humides, conservent les tommes pendant
plusieurs jours avant qu’on puisse les acheminer au saloir de Saint
Gabriel avec la Lada Niva, où ils seront transformés par un affineur
professionnel. Les bergers se contentent alors de retourner
régulièrement leur production, afin de lui conférer cette forme homogène
caractéristique des fromages « pur brebis des Pyrénées » sous
AOC Ossau-Iraty. L’arrangement traditionnel entre le producteur et son
affineur, est que ce dernier se paie en prélevant un fromage sur douze.
Sur les lieux d’estives de la cabane
d’Ousse, c’est un tout autre système qui est en vigueur, par manque de
place. La SHEM exploite le lac artificiel situé en amont du plateau de
Fricoulet, et a percé de nombreux tunnels dits « techniques » dans les
flancs de la montagne, sortes de grottes perpétuellement humides et
naturellement réfrigérées à 14°, dont l’entrée est fermée à clé. La
cabane se trouve à une petite centaine de mètres, légèrement en
contrebas de l’un d’entre eux. Pierre et Nanette ont négocié avec
l’entreprise un droit d’accès et d’utilisation pour y stocker leur
production fromagère dans des conditions idéales durant la saison d’été.
Il ne reste plus à Nanette ou Christophe
qu’à emprunter les pistes de 4×4 (une à deux fois par semaine) pour
emporter la production chez l’affineur.
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