vendredi 9 mai 2025

VIS MA VIE D'ECRIVAIN #5 : Dans quelles conditions j'écris ?

Je m'aperçois que je n'ai rien écrit de neuf sur ce blog depuis le 3 mars ! Ça fait plus de deux mois sans nouvelles ! Bon, rassurez-vous, je n'ai pas quitté la planète. Je suis toujours vivant, toujours debout, comme dirait un chanteur énervé. C'est juste que j'ai eu beaucoup de travail jusqu'à la fin avril, puis je suis parti trois semaines en congés, que j'ai mis à profit pour commencer à écrire mon nouveau roman : Un cauchemar sans nom. À l'heure où je couche ces lignes, j'ai déjà les quatre premiers chapitres rédigés et un cinquième en cours. Mais vu que je vais reprendre le travail dès lundi, je suis contraint de me remettre en pause jusqu'aux prochaines vacances. 

Ce qui pose une question essentielle : comment j'écris ? Dans quelle conditions ? 

Je n'écris pas en semaine de travail et rarement en week-end. Pourquoi ? Disons qu'il me faut un certain temps pour "déplier mon cerveau", entrer en phase de créativité. Écrire, ce n'est pas comme répondre à un mail. Cela demande une tension intérieure, un arrachement à la réalité. Et il faut autant de temps (voire plus) pour replier mon cerveau et redevenir un salarié fonctionnel. Donc essayer de m'isoler dans un bureau du boulot et me mettre à écrire entre midi et deux, ce ne sont pas des conditions propices. 

Idem pour le soir (en général, je suis à plat après une journée de travail, pas vous ?). Quant aux week-ends, eh bien c'est le moment de faire un peu d'intendance et de logistique... Et de recharger ses batteries pour la semaine qui arrive. Sans compter les salons du livres, marchés et autres vidéos rigolotes auxquels je participe régulièrement pour le compte d'Astobelarra. Donc là non plus, les conditions ne sont pas idéales. Je ne dis pas que je n'écris jamais les week-ends ou en soirée, mais ça reste relativement rare. D'autre part, j'ai appris de mon ex-épouse "qu'être là sans être là", c'était très risqué pour la vie de couple. Je tiens à ce que ma compagne se sente toujours importante à mes yeux, au moins autant que mes ambitions personnelles (ce qu'elle est, évidemment). 

D'où l'idée de me ménager des plages de travail, de plus ou moins longs espaces temporels qui ne sont consacrés qu'à l'écriture. J'ai mis cela en place depuis à peu près 2013 et c'est plutôt efficace. Dans mon boulot, on bosse en semaines de 39 heures, ce qui nous permet de rajouter presque un mois de congés supplémentaire aux 25 jours annuels autorisés (un mois si on se débrouille bien à caler ses RTT les semaines où il y a des ponts). Parce que oui, ce que recherche en priorité un écrivain, ce n'est pas une augmentation de salaire (quoi que...), mais c'est surtout du temps libre. 

Jusqu'à présent, je me calais sur le mois de mai, qui contient beaucoup de ces ponts. Mais je me suis rendu compte, en vieillissant, qu'attendre cinq mois pour partir en congés avait un inconvénient majeur : la fatigue physique et morale s'accumule trop et il me faut du temps pour être suffisamment en bon état pour me remettre à écrire. Là, par exemple, il m'a fallu une semaine complète de repos. Sur trois semaines de congés. Ça fait donc une semaine de perdue. C'est trop. Je vais donc modifier cela à partir de l'année prochaine et prendre des congés plus courts, mais plus souvent. 

J'entends déjà des petits malins me suggérer que, puisque je manque de temps, je n'ai qu'à démissionner pour me consacrer exclusivement à l'écriture. Je pourrais, en effet. Ce serait un choix de vie. Mais alors je devrais revendre ma maison, m'incruster chez ma compagne, diminuer mon niveau de vie, pour finalement repartir taffer dans des conditions encore moins acceptables qu'aujourd'hui. Retour à la case départ ! Et ça, c'est non ! 

Ce n'est pas que je ne crois pas en mon talent (si, c'est ça en vrai), mais je sais que dans ce métier d'écrivain, il y a beaucoup (de plus en plus) d'appelés et très peu d'élus. Les chiffres croisés de la SGDL (Société ses Gens De Lettres), de la SCAM (Société Civile des Auteurs Multimédia) et du ministère de la Culture sont impitoyables : en France, moins de 1% des écrivains vivent de leurs droits d'auteurs. Le revenu médian des auteurs déclarés est de moins de 350€ par mois.

Si j'ai écrit six livres qui se vendent plutôt bien (localement), je suis très (très) loin de gagner cette somme, en étant publié chez Astobelarra. D'autant plus que la production littéraire mondiale est en pleine expansion (plus de 70 000 titres par ans), tandis que le nombre de lecteurs, lui, se réduit comme peau de chagrin. En effet, selon le CNL (Centre National du Livre), le nombre de lecteurs français est passé de 70 à 59% entre 2011 et 2024, et la part de non-lecteurs a même doublé (de 9 à 18%) en 10 ans chez les 15-24 ans !

Bref. La littérature, ça nourrit beaucoup l'esprit mais très peu le frigo. Fort de ce constat, je vais donc garder mon emploi qui me plait et qui comporte de nombreux avantages (dont le nombre de jours de repos), tout en continuant à écrire pendant mes congés. C'est, me concernant et jusqu'à présent, un modèle convenable et qui a fait ses preuves.