Vous vous souvenez de ce concours idiot de détournement de photo que j'avais lancé l'an dernier et que Gilen Iriart a remporté ? Ci-dessous et en exclusivité, voici la première mouture de son prix.
Je précise que Gilen et Youssra reviendront dans au moins deux autres chapitres...
Je précise que Gilen et Youssra reviendront dans au moins deux autres chapitres...
Leur participation à cet ultime volume de ma saga L'infection devait rester anecdotique à la base, mais au fil des brainstorming, j'ai décidé de leur attribuer un rôle plus récurrent et augmenté.
Je rappelle que s'ils existent bien, ils ne sont ici que des "personnages" dont l'existence peut différer de celle de notre monde réel.
Je rappelle que s'ils existent bien, ils ne sont ici que des "personnages" dont l'existence peut différer de celle de notre monde réel.
Alors bonne lecture !
Sophie s’était réfugiée dans une carcasse d’avion de ligne coupée en deux, dénichée en plein milieu du maquis landais, au hasard de sa route. Probablement le résultat d’un atterrissage en catastrophe, à la suite des explosions électromagnétiques... L’intérieur de la carlingue avait été en partie nettoyé par les flammes, puis par les pillages de ces dernières semaines. Des câbles pendaient lamentablement, çà et là, parmi les travées de fauteuils éventrés dont une partie avait dû être démontée. Quelques traces et traînées de sang séché attestaient encore de la violence du choc mais curieusement, aucun corps n’avait été abandonné sur place. La tôle froissée de l’engin grinçait au moindre coup de vent et il y flottait toujours un relent d’huile et de plastique brûlé, à peine atténué par le froid ambiant qui commençait à se faire de plus en plus prégnant, alors que la nuit commençait à tomber.
Après avoir vérifié que la voie était libre et qu’elle ne courait aucun danger immédiat, elle avait sommairement fouillé les décombres à la recherche de tout objet qui aurait pu lui être utile, mais d’autres étaient déjà passés par là avant elle. Alors elle avait allumé à la hâte un petit feu afin de se réchauffer et mettre à cuire une grosse boite de chili con carne qu’elle avait récupérée dans son colis. Elle savait néanmoins qu’elle devait rester la plus discrète possible car les grillés ou pire : des milices de survivalistes qui traînaient encore un peu partout pourraient lui tomber dessus. Le moindre bruit suspect, une odeur de cuisson, la moindre source de lumière un peu trop vive et c’était un coup à finir soit comme chair à pâté, soit comme esclave sexuelle…
Elle était là, assise sur les restes d’un fauteuil à moitié calciné, à réfléchir à la situation du monde tel qu’elle l’avait connu avant que Beau Smart n’y mette le bordel et tel qu’il était maintenant quand tout à coup, elle entendit plusieurs crissements caractéristiques dans le sable et qui se rapprochaient de l’entrée de sa cachette. Sans un bruit, Sophie saisit son bâton, ouvrit la lame de son couteau suisse et s’enfonça dans l’ombre, près de l’ouverture. Deux personnes chuchotaient dehors, ce qui lui assura qu’il ne s’agissait pas de grillés. Eux, ne parlent pas entre eux. Ils soufflent, grognent ou rugissent pour toute communication, comme des fauves affamés le feraient autour d’une gazelle blessée et esseulée. Mais en fin de compte, peut-être qu’elle n’aurait pas à se battre jusqu’à la mort, ce soir. Rien n’était moins sûr, cependant. Pour mettre toutes ses chances de son côté, elle allait devoir prendre de court ces visiteurs du soir…
Dès que le plus grand des deux individus passa la tête dans l’entrée, Sophie lui asséna un bon coup de noisetier bien sec en plein milieu du front. Il tomba en arrière en geignant. Tandis qu’il se roulait au sol en se tenant la tête des deux mains, la jeune fille se jeta sur le second intrus, qui semblait moins menaçant par sa taille et lui cala la lame de son canif contre la carotide. Ses yeux s’accoutumaient peu à peu à l’obscurité du dehors et elle réalisa qu’il s’agissait d’un couple voyageant seul, un homme et une femme. L’homme était au tapis pour le compte et en serait quitte pour un bel œuf de pigeon le lendemain. La femme - a la peau plus mate que son compagnon - avait l’air terrorisé par l’attaque surprise de Sophie, mais n’opposa aucune résistance. Son regard brillant était plutôt doux et elle lui parut honnête lorsqu’elle lui balbutia qu’ils cherchaient juste un abri pour la nuit car elle était enceinte de quatre mois et épuisée de leur périple, mais qu’ils partiraient volontiers s’ils la dérangeaient.
Toujours au sol et à moitié sonné par la douleur, l’homme frottait sa bosse naissante de la pulpe des doigts. Il acquiesça lorsque Sophie le regarda :
— C’est vrai mademoiselle. On ne vous fera aucun mal et on ne vous gênera pas, c’est promis.
Il avait un petit accent chantant du sud et une voix plutôt douce.
Sophie desserra son étreinte au bout de quelques secondes, pour marquer le coup. Ils semblaient complètement inoffensifs mais ils l’avaient quand même surprise et lui avaient fait secréter un sacré shoot d’adrénaline. Alors, bravache et tout en leur montrant ostensiblement la pointe de son couteau, elle leur lança :
— OK, vous pouvez rentrer, mais vous me faites pas chier, sinon gare…
Sophie retourna dans la carlingue froissée et se rassit. Elle enfourna les cuillerées de Chili en tentant de garder une grimace de dure-à-cuire. Elle voulait les impressionner par son attitude sauvage, leur faire comprendre qu’elle n’avait pas peur d’eux, malgré son jeune âge, au cas où elle se serait trompée sur leurs intentions. Mais l’homme, qui venait de poser leurs sacs à dos dans un coin avait l’air plus intéressé par la condition de sa compagne que par ses simagrées. Il était prévenant et tendre avec elle, qui grelottait : il la couvrit d’une couverture en laine qu’il avait déroulée de son sac et lui parla doucement. Sophie en fut émue. Ils n’avaient pas l’air d’avoir de quoi se nourrir, ce soir.
— J’en ai trop pour moi, dit-elle dans un grognement, en leur tendant sa boite de chili à peine entamée. Mangez, faut pas gâcher.
— Merci. Elle, c’est Youssra et moi Gilen. On vient du sud, d’un village entre Bayonne et Pau. On va à Paris. Youssra veut retrouver sa sœur, qui est étudiante là-bas.
Quinze longues secondes filèrent, pendant lesquelles on n’entendit plus que les bruits de mastication de la jeune fille, qui se demandait comment ils avaient pu faire toute cette route depuis le Pays basque sans embûche, et surtout dans l’état plus que préoccupant de la femme. Après avoir dégluti, elle répondit :
— Sophie. Je cherche mon père.
— Toute seule ? Tu sais où tu vas ?
— Ouais.
Gilen lui lança un regard circonspect mais n’insista pas car la gamine avait l’air plutôt butée et déterminée. Il tendit la boîte à Youssra, qui se força à avaler une ou deux cuillérées de la mixture peu ragoûtante, mais qui eut le mérite de lui réchauffer la tuyauterie.
Sophie avait beau surjouer la baroudeuse confirmée, elle était heureuse de retrouver des gens à peu près civilisés. Alors elle reprit :
— J’vais essayer de le rejoindre dans une base militaire, un peu plus au nord. Il parait qu’il y a un camp de réfugiés, là-bas. Avec des vivres, de l’eau, du matériel et des soldats armés pour protéger tout ça. J’ai prévu d’y rester en attendant que mon père arrive.
— T’es courageuse…
— Pas le choix : toute ma famille y est passée. Il ne me reste plus que lui. Enfin j’espère...
— On peut t’accompagner si tu veux. Peut-être qu’ils auront de quoi examiner Youssra ?
L’adolescente jeta un œil vers la jeune femme qui souriait et semblait déjà à moitié assoupie sur sa couchette improvisée, puis se renfrogna. Elle s’essuya les lèvres avec sa manche et déclina l’offre plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu :
— Nan c’est bon. J’avance plus vite toute seule.
— Ok, ok, je n’insiste pas !
L’homme reposa la boite à demi vidée au-dessus du feu, puis après un bref salut de la tête, rejoignit son épouse sous la couverture tout en l’enlaçant pour lui communiquer un peu de chaleur.
Le lendemain, lorsque Gilen ouvrit les yeux, un autre jour gris s’était levé et pointait le nez à travers les hublots. Le feu s’était éteint et Sophie avait déjà quitté les lieux. Avant de partir, elle avait tout de même pris soin d’écrire « Bonne chance à tous les 2 » avec un morceau de charbon, sur le mur de l’avion qui lui faisait face.
Gilen sourit : « sacrée gamine ! »
Après avoir vérifié que la voie était libre et qu’elle ne courait aucun danger immédiat, elle avait sommairement fouillé les décombres à la recherche de tout objet qui aurait pu lui être utile, mais d’autres étaient déjà passés par là avant elle. Alors elle avait allumé à la hâte un petit feu afin de se réchauffer et mettre à cuire une grosse boite de chili con carne qu’elle avait récupérée dans son colis. Elle savait néanmoins qu’elle devait rester la plus discrète possible car les grillés ou pire : des milices de survivalistes qui traînaient encore un peu partout pourraient lui tomber dessus. Le moindre bruit suspect, une odeur de cuisson, la moindre source de lumière un peu trop vive et c’était un coup à finir soit comme chair à pâté, soit comme esclave sexuelle…
Elle était là, assise sur les restes d’un fauteuil à moitié calciné, à réfléchir à la situation du monde tel qu’elle l’avait connu avant que Beau Smart n’y mette le bordel et tel qu’il était maintenant quand tout à coup, elle entendit plusieurs crissements caractéristiques dans le sable et qui se rapprochaient de l’entrée de sa cachette. Sans un bruit, Sophie saisit son bâton, ouvrit la lame de son couteau suisse et s’enfonça dans l’ombre, près de l’ouverture. Deux personnes chuchotaient dehors, ce qui lui assura qu’il ne s’agissait pas de grillés. Eux, ne parlent pas entre eux. Ils soufflent, grognent ou rugissent pour toute communication, comme des fauves affamés le feraient autour d’une gazelle blessée et esseulée. Mais en fin de compte, peut-être qu’elle n’aurait pas à se battre jusqu’à la mort, ce soir. Rien n’était moins sûr, cependant. Pour mettre toutes ses chances de son côté, elle allait devoir prendre de court ces visiteurs du soir…
Dès que le plus grand des deux individus passa la tête dans l’entrée, Sophie lui asséna un bon coup de noisetier bien sec en plein milieu du front. Il tomba en arrière en geignant. Tandis qu’il se roulait au sol en se tenant la tête des deux mains, la jeune fille se jeta sur le second intrus, qui semblait moins menaçant par sa taille et lui cala la lame de son canif contre la carotide. Ses yeux s’accoutumaient peu à peu à l’obscurité du dehors et elle réalisa qu’il s’agissait d’un couple voyageant seul, un homme et une femme. L’homme était au tapis pour le compte et en serait quitte pour un bel œuf de pigeon le lendemain. La femme - a la peau plus mate que son compagnon - avait l’air terrorisé par l’attaque surprise de Sophie, mais n’opposa aucune résistance. Son regard brillant était plutôt doux et elle lui parut honnête lorsqu’elle lui balbutia qu’ils cherchaient juste un abri pour la nuit car elle était enceinte de quatre mois et épuisée de leur périple, mais qu’ils partiraient volontiers s’ils la dérangeaient.
Toujours au sol et à moitié sonné par la douleur, l’homme frottait sa bosse naissante de la pulpe des doigts. Il acquiesça lorsque Sophie le regarda :
— C’est vrai mademoiselle. On ne vous fera aucun mal et on ne vous gênera pas, c’est promis.
Il avait un petit accent chantant du sud et une voix plutôt douce.
Sophie desserra son étreinte au bout de quelques secondes, pour marquer le coup. Ils semblaient complètement inoffensifs mais ils l’avaient quand même surprise et lui avaient fait secréter un sacré shoot d’adrénaline. Alors, bravache et tout en leur montrant ostensiblement la pointe de son couteau, elle leur lança :
— OK, vous pouvez rentrer, mais vous me faites pas chier, sinon gare…
Sophie retourna dans la carlingue froissée et se rassit. Elle enfourna les cuillerées de Chili en tentant de garder une grimace de dure-à-cuire. Elle voulait les impressionner par son attitude sauvage, leur faire comprendre qu’elle n’avait pas peur d’eux, malgré son jeune âge, au cas où elle se serait trompée sur leurs intentions. Mais l’homme, qui venait de poser leurs sacs à dos dans un coin avait l’air plus intéressé par la condition de sa compagne que par ses simagrées. Il était prévenant et tendre avec elle, qui grelottait : il la couvrit d’une couverture en laine qu’il avait déroulée de son sac et lui parla doucement. Sophie en fut émue. Ils n’avaient pas l’air d’avoir de quoi se nourrir, ce soir.
— J’en ai trop pour moi, dit-elle dans un grognement, en leur tendant sa boite de chili à peine entamée. Mangez, faut pas gâcher.
— Merci. Elle, c’est Youssra et moi Gilen. On vient du sud, d’un village entre Bayonne et Pau. On va à Paris. Youssra veut retrouver sa sœur, qui est étudiante là-bas.
Quinze longues secondes filèrent, pendant lesquelles on n’entendit plus que les bruits de mastication de la jeune fille, qui se demandait comment ils avaient pu faire toute cette route depuis le Pays basque sans embûche, et surtout dans l’état plus que préoccupant de la femme. Après avoir dégluti, elle répondit :
— Sophie. Je cherche mon père.
— Toute seule ? Tu sais où tu vas ?
— Ouais.
Gilen lui lança un regard circonspect mais n’insista pas car la gamine avait l’air plutôt butée et déterminée. Il tendit la boîte à Youssra, qui se força à avaler une ou deux cuillérées de la mixture peu ragoûtante, mais qui eut le mérite de lui réchauffer la tuyauterie.
Sophie avait beau surjouer la baroudeuse confirmée, elle était heureuse de retrouver des gens à peu près civilisés. Alors elle reprit :
— J’vais essayer de le rejoindre dans une base militaire, un peu plus au nord. Il parait qu’il y a un camp de réfugiés, là-bas. Avec des vivres, de l’eau, du matériel et des soldats armés pour protéger tout ça. J’ai prévu d’y rester en attendant que mon père arrive.
— T’es courageuse…
— Pas le choix : toute ma famille y est passée. Il ne me reste plus que lui. Enfin j’espère...
— On peut t’accompagner si tu veux. Peut-être qu’ils auront de quoi examiner Youssra ?
L’adolescente jeta un œil vers la jeune femme qui souriait et semblait déjà à moitié assoupie sur sa couchette improvisée, puis se renfrogna. Elle s’essuya les lèvres avec sa manche et déclina l’offre plus sèchement qu’elle ne l’aurait voulu :
— Nan c’est bon. J’avance plus vite toute seule.
— Ok, ok, je n’insiste pas !
L’homme reposa la boite à demi vidée au-dessus du feu, puis après un bref salut de la tête, rejoignit son épouse sous la couverture tout en l’enlaçant pour lui communiquer un peu de chaleur.
Le lendemain, lorsque Gilen ouvrit les yeux, un autre jour gris s’était levé et pointait le nez à travers les hublots. Le feu s’était éteint et Sophie avait déjà quitté les lieux. Avant de partir, elle avait tout de même pris soin d’écrire « Bonne chance à tous les 2 » avec un morceau de charbon, sur le mur de l’avion qui lui faisait face.
Gilen sourit : « sacrée gamine ! »
*****
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire