Une fois n'est pas coutume, je vais écrire une série de billets pour vous parler de ma vie. Pourquoi ?
1/ Dès que je racontais une anecdote un peu crue, un de mes anciens collègues de boulot me répétait avec un ton moqueur : "Etienne, tu n'as pas de jardin secret !" Une affirmation qui n'est pas tout à fait vraie. Pour ceux qui me connaissent, j'ai volontairement passé sous silence certaines de ces anecdotes et mis l'accent sur d'autres. Mais attention, je dévoile quand même pas mal de choses personnelles.
2/ À la réflexion, après relecture de ce premier jet, ça a l'air d'avoir ni queue ni tête et de partir dans tous les sens. Mais en fait ce sont de petites briques informes qui, une fois assemblées, esquissent un grand tout plus ou moins harmonieux, un peu comme un journal intime (mais public), et qui explique beaucoup de choses.
3/ Ça a aussi l'air super péteux de croire que ma petite vie va intéresser quelqu'un, mais bon... Si je ne le fais pas, qui le fera, hein? Qui ? Quelqu'un qui ne me connaît pas et qui racontera des conneries ? Non ! Autant que ça vienne de moi. ^^
Vous êtes prêts ? Alors c'est parti !
VERY NORMAL THINGS
Je suis né en 1971. J'ai donc grandi dans les années 80. L'âge d'or, selon ma propre fille, née en 2002... Et je pense qu'elle avait raison. Grandir dans les années 80, c'était vraiment quelque chose ! Peut-être pas pour une jeune fille, mais bon... Laissons-la rêver !
À cette époque, il n'y avait pas d'ordinateurs portables, pas d'Internet, pas de réseaux sociaux, pas de smartphones, pas d'appareil photo numérique, pas de playstation, pas de Netflix et les voitures conduites par une IA, c'était encore de la science-fiction pour les trente années suivantes. Rien que ça, déjà, ça devrait lui remettre les idées en place, à ma fille !
C'étaient de années d'insouciance pure, ou chaque journée ressemblait à la précédente, où rien ne paraissait plus menaçant que le jour de la rentrée scolaire, si ce n'était le jour de la récitation au tableau. En fait, nous n'avions rien d'autre que le carnet de notes pour nous coller du stress*. Et, cerise sur la gâteau : la musique était chouette. Bref, c'était exactement comme dans "Stranger Things", mais sans "Vecna" ni le "monde à l'envers" (et sans "Stranger things", du coup).
Il se passait pourtant des choses importantes ou graves autour de nous et dans le monde (la mort de Lennon, celle de Coluche et Balavoine, la guerre Iran/Irak, la guerre froide USA/URSS, les essais nucléaires... Mais aussi des trucs plus positifs comme la fin de la peine de mort en France, l'avènement des radios libres et de la New wave...) mais nous n'en étions pas vraiment conscients. Nous vivions au jour le jour dans une espèce de candeur/torpeur qui semblait éternelle. Jamais nous n'aurions pu imaginer les ravages du sida, l'écroulement du mur de Berlin... Alors le 11 septembre 2001, les attentats du 7 janvier 2015, puis du 13 novembre suivant et Trump président, puis le réchauffement climatique, puis le Covid et ses confinements successifs, le retour des Talibans en Afghanistan puis Poutine envahissant l'Ukraine en 2022 étaient carrément inconcevables...
*J'ai déjà raconté un peu partout dans ce blog ma détestation viscérale de l'école, depuis la maternelle jusqu'à la fac et comment mes parents ont réussi à me pousser me porter contre vents et marées jusqu'au bac, et comment ils ont lutté - en vain - pour que je poursuive ensuite. Si je fais un peu ce que j'aime et ce que je veux aujourd'hui, c'est grâce à leur ténacité. Éduquer un gamin réfractaire, c'est pas facile, alors trois, je ne vous dis pas ! La tentation de laisser tomber a dû les effleurer une quantité de fois, mais ils ont tenu. Je veux qu'il sachent qu'ils n'ont pas tout raté et que je leur voue une éternelle gratitude pour ces années de leur jeunesse sacrifiée.
PASSION ZOMBIES
Ce n'était pas la préhistoire, mais ce qui se rapprochait le plus de la modernité actuelle, dans mon environnement, c'était un tourne-disque qui pouvait jouer des vinyles en 45, 33 et 78 tours et un lecteur de bandes magnétiques. On y passait les singles de mes parents (Les Troggs, les Beatles, Sonny & Cher, les BoneyM...) et les rares disques qu'on achetait nous, mon frère cadet et moi, lorsqu'on avait économisé assez pour le faire. Quant aux bandes magnétiques, mes parents avaient réenregistré des lectures de livres du Père Castor ("Marlaguette", "Roule galette", "Michka"...) qu'ils utilisaient ensuite en fond sonore dans un petit théâtre de marionnettes (fabriqué par leurs soins), pour notre plus grand plaisir.
Pour le reste, mes parents n'avaient même pas la télévision (au début). Dans mon entourage, seuls mes grands parents paternels possédaient un poste TV en noir et blanc et j'avais le droit de regarder "l'île aux enfants" uniquement lorsque j'avais bâclé terminé mes devoirs. En général, les horaires coïncidaient.
La télé couleur a fait son apparition chez moi en 1978. Je venais d'entrer en CE1. En semaine, j'avais le droit de regarder Félix le chat, Oum le dauphin, Candy, Goldorak et c'est tout. Autant vous dire que j'avais beaucoup de temps libre pour jouer, faire du vélo dans le lotissement ou construire des cabanes (et détruire celles des autres) dans les bosquets maigrelets du champ d'à côté. Car on n'avait pas peur de sortir de la maison et de traîner dehors jusqu'à l'heure du dîner, même en hiver. Les tueurs en série et les curés pédophiles existaient, bien sûr - ils ont toujours existé - mais n'étaient pas du tout médiatisés.
La même année, j'ai vu le premier Star Wars (l'épisode 4 dans le SWU) au cinéma, avec mon père. Ce film m'a marqué à vie, tout comme beaucoup de gens de ma génération. Car il y a toute l'histoire de l'humanité dans Star Wars. C'est comme une Bible. C'est la raison pour laquelle c'est une de mes références ultimes (lire "Mauvais berger !").
Parfois, ma grand-mère venait nous garder le samedi soir, lorsque mes parents sortaient. Elle nous laissait regarder "Champs Elysées" avec elle. C'est là que, pour la première fois, j'ai vu le clip vidéo de "Thriller", de Mickael Jackson. Inutile de vous dire que j'ai eu la trouille de ma vie ! Je pense que mon obsession pour les zombies et du gore date de là. Elle fut confirmée par la découverte de "Temps X", le magazine télé des frères Bogdanov (quand ils étaient encore BG, avant les "mutations"). Je me souviens encore des extraits de films d'horreur sur lesquels j'étais tombé (cf la scène des sauterelles dans "l'abominable docteur Phibes" - j'en ai cauchemardé pendant des années). Ici, l'expression geek "what you have seen you can't unsee" prend tout son sens.
J'avais 11 ans lorsque "The number of the beast" d'Iron Maiden est sorti. C'est mon oncle, de 8 ans mon aîné, qui me l'a offert. J'ai été fan illico ! Imaginez ça : de la musique de morts-vivants (c'est ce que la pochette du disque m'inspirait) ! C'était mon premier 33 tour à moi et je l'ai écouté en boucle. Je l'ai racheté en CD 20 ans plus tard et je l'écoute encore, parfois, avec nostalgie...
LES TEMPS MODERNES
Mon premier contact avec un ordinateur fut au cours de mon année de 5ème. Mon prof de math s'était mis en tête de nous initier à l'informatique en nous faisant travailler avec d'insignifiants logiciels codés en Logo à installer à chaque session au moyen de floppy discs. Toutes ses formes géométriques aux traits entrelacés n'avaient rien de très excitant... À cette époque, si on m'avait dit que j'allais passer les 3/4 de ma vie à pianoter sur un clavier et à dessiner des trucs avec une souris, j'aurais bien rigolé !
Parallèlement, pour avoir la paix quand les enfants débarquaient chez lui, mon grand-père avait fait l'acquisition d'une console Atari à cassettes. Avec mes cousins, on y faisait des parties endiablées de PacMan et Arcanoïd.
Plus tard, j'ai eu mon premier jeu électronique à cristaux liquides ("les crêpes", puis "le cheval de Troie" l'année suivante) et mon premier walkman autour de 13-14 ans. Je n'ai jamais vraiment été un grand joueur, comme pourrait l'être mon fils. Je finissais vite par me lasser de ces trucs simplets et répétitifs. Mon petit frère a eu plus de chance avec la première Game Boy, nettement plus intéressante. Mais quand cette console est sortie, j'étais déjà passé à autre chose depuis un bail !
À peu près à cette période, un grand nombre de foyers français se virent équipés d'un Minitel. L'engin ne servait que d'annuaire électronique. Je n'ai jamais cédé à l'appel du 3615 Ulla. Et pourtant, on peut dire qu'à force de pubs suggestives, elle aura insisté pour que je craque, cette brave Ulla ! Mais je savais que mes parents auraient fini par le découvrir, grâce à la facture détaillée.
Je dévorais comics et "livres dont vous êtes le héros" tout en écoutant inlassablement mes albums de Tears For Fears, Prince et Georges Michael sur cassettes, tandis que mes copains courraient le guilledou (pour les plus mûrs), chevauchant leurs 103 SP équipés de guidons torsadés, et autres Ciao ou Piaggo, plus classiques. C'est sûr que je ne faisais pas le poids avec mon BMX Gitane ! Et ceux qui restaient, les plus intellos, dissimulaient leurs frustrations de n'appartenir à aucun groupe en jouant à Donjons & Dragons ensemble. C'est à cette époque que je me suis mis à dessiner, tout seul dans mon coin. Je gribouillais sans arrêt "des petits Mickey" ou des superhéros de mon cru, dès que j'avais une minute, un papier et un stylo. Plus tard, à force d'entraînement, j'ai réalisé ma première bande dessinée de 5 pages. Je ne sais pas où elle a terminé (sûrement à la poubelle) mais j'en étais très fier, à l'époque. Pourtant, ce n'était vraiment pas extraordinaire, tant en terme de graphisme qu'au niveau scénaristique... Heureusement, je me suis pas mal amélioré depuis.
3615 CODE PUCEAU
Pour mes 15 ans, j'ai reçu mon premier poste radio-cassette Philips, mais j'empruntais régulièrement le modèle double cassettes de mes parents pour me faire des compilations sur lesquelles je jouais à l'animateur radio. Bien plus tard, j'ai retrouvé par hasard un de ces enregistrements et j'ai eu la honte de ma vie en reconnaissant à peine la voix de puceau que je me coltinais à l'époque...
Le soir, je faisais semblant de dormir et j'éteignais subrepticement ma lampe de chevet au moindre bruit suspect. Mais mon père n'était pas dupe. Et la chaleur qui émanait de l'ampoule me trahissait presque à chaque fois... Je lisais "Podium" (pour me tenir au courant des potins de stars) et "Mad movies" en cachette (j'étais fasciné par le cinéma fantastique et en particulier pour les films d'horreur, genre Freddy Krueger) ou alors j'allumais la radio que j'écoutais au casque. D'abord la station locale "Radio feuille de vigne" (véridique), puis "Fun Radio", qui diffusait les singles plus actuels que je connaissais grâce à mes cousins bordelais, à peine plus âgés que moi. Comme tous les gosses de mon âge, je suis devenu incollable sur la pop des années 80. J'en écoute encore aujourd'hui et je fais même des quizz avec ma fille !
Au collège, je n'étais pas vraiment un chouette type. Les hormones me titillaient et ne n'avais pour ainsi dire pas de conscience ni de morale. À cette époque, il n'y avait pas eu de #metoo et l'éducation des jeunes ados mâles laissait plutôt à désirer de ce côté-là. Je sais que j'ai harcelé plusieurs camarades de classe de sexe féminin. Je tairai leurs noms par respect pour elles, mais je me souviens parfaitement de chacune d'entre elles. Je ne sais pas si elles liront ces lignes mais si oui, je veux qu'elles sachent que j'y repense souvent aux moment les plus inopportuns, comme une malédiction antique, que j'ai terriblement honte et que je leur demande pardon d'avoir été si con.
Parfois, j'allais déambuler dans les rayonnages de Prisunic. J'y piquais des bandes dessinées au format poche. C'est ainsi que j'ai découvert les classiques érotiques de Serpieri, Manara et Liberatore, que je planquais sous mon lit, et avec lesquels je me paluchais allègrement en pensant à quelques filles de ma classe*. Si elle savaient, les pauvres, les outrages que je leur faisais subir dans mes fantasmes les plus vils... Et les litres de foutre qu'elles m'ont fait déverser dans des mouchoirs en papier qui terminaient invariablement dans la fosse sceptique... Si à chaque fois j'avais fait un don à une banque de sperme, la terre serait aujourd'hui peuplée de petits Boyer.
Un jour, j'ai même imaginé que tout ce sperme finissait par s'agréger dans les égouts pour former une créature horrible, protéiforme et gluante, désireuse de se venger d'avoir été abandonnée par ses créateurs. Je l'avais appelée "L'abominable SpermMan"... Vous voyez ? Vous n'aimeriez pas être dans ma tête !
*Je glousse en me demandant combien de mes ex-camarades de classe vont se sentir visées (et salies) en lisant ces quelques lignes, haha !!! Quoi ? Vous croyez que je suis le seul pervers que vous ayez jamais rencontré ? Heureusement qu'on ne peut pas lire dans la tête des gens (et notamment dans celles des garçons de 11 à 99 ans), vous seriez surprises (et dégoûtées) de toutes ces choses horribles qu'on peut y trouver...
PREMIERS ÉMOIS
L'été, je hantais la piscine municipale où je retrouvais quelques copains, filles ou garçons, désœuvrés, tout comme moi. J'y dépensais mes dix francs d'argent de poche mensuel en bonbons acidulés conditionnés en petits sacs plastiques. On les partageait sur la pelouse, tout en zieutant le plus discrètement possible les seins absolument parfaits que Nadège (le canon du collège) exhibait fièrement, le regard détaché, à peine caché derrière ses verres fumés. C'était l'époque des amours impossibles (car souvent non réciproques), et je dois avouer que j'en ai connu mon lot. il est vrai que je n'étais pas du genre dégourdi. J'ai bien eu quelques flirts, comme tout le monde, mais ça n'a jamais duré. En plus, pendant toute une période qui m'a parue trèèèèèèès longue, entre 13 et 17 ans, j'étais complètement aveuglé par mes sentiments carrément obsessionnels envers une fille rencontrée dans un camp de jeunes protestants*. Je me rappelle parfaitement du jour où je l'ai vue arriver dans la salle commune. Ça a été un coup de foudre instantané, avec éclair, grondement cataclysmique, tremblement de terre, embrasement des intestins et tout le tralala, mais uniquement de mon côté.
Dommage ! 😁
*Ah oui, parce que je ne vous avais pas dit : mes parents sont de confession protestante (calviniste). C'est la religion de toute ma famille (côté paternel) depuis des centaines d'années. J'ai donc été baptisé au temple de Cognac, et tandis que mes copains de classe allaient au catéchisme, moi j'allais à "l'école biblique". J'ai fait ma communion à 15 ans, je me suis marié au temple de Segonzac à 25 ans et on peut dire que j'ai été croyant et pratiquant (en dilettante) jusqu'à mes 29 ans. À partir de là, un événement (que je tairai ici) a fait sauter le verrou de mon système de croyances. Depuis, je ne crois plus en rien, mais c'est une autre histoire... Ce paragraphe concernant mon éducation religieuse est simplement destiné à préciser le contexte.
À la même époque, je jouais tous les jours aux figurines GI-Joe avec mon petit frère, de onze ans mon cadet. J'avais un peu honte de faire encore mumuse à 16 ans, mais c'était pour la bonne cause. Et puis contrairement aux autres jeunes de mon âge, je sortais très peu : ma mère était plutôt sévère (elle avait sans doute ses raisons - le plus souvent liées à mes résultats scolaires médiocres), nous vivions assez loin du centre ville, je n'avais pas une grande quantité d'amis sur qui compter pour m'accompagner au cinoche et pour couronner le tout, j'ai mûri tardivement.
En seconde au lycée, j'ai créé un club de bandes dessinées avec quelques autres dessinateurs en herbe et nous avons collaboré à plusieurs numéros de "la Glossolalie", le journal du lycée édité par des terminales. Par facilité et poussé par mes parents, j'ai choisi la filière littéraire (A2). Je me suis retrouvé seul garçon de ma classe en première (curieusement, ça n'a pas été aussi génial que je l'avais pensé au départ), et on était 4 sur 31 élèves en terminale ! L'un de ces garçons, avec lequel j'avais sympathisé, m'a fait découvrir Pink Floyd et Sweet Smoke. La claque !
Puis j'ai grandi d'un coup entre la première et la terminale. Je suis tombé très amoureux d'une nouvelle camarade de classe qui, comme de bien entendu, en aimait un autre, bien plus âgé (et qu'elle a d'ailleurs fini par épouser quelques temps plus tard). Je suis parti trois semaines aux USA (à Milwaukee) en voyage scolaire. Quand je suis revenu, quelque chose avait changé en moi. J'avais mûri, d'une certaine façon. J'étais loin d'être adulte, mais quelque chose d'inédit s'était passé dans mon cerveau.
J'ai eu mon bac je ne sais pas comment. Pas en travaillant, en tout cas : j'ai dû passer les 3/4 de mes révisions à faire la sieste, à dessiner ou à m'asticoter l'appendice, toujours en pensant aux filles de ma classe (on ne se refait pas).
Avec mon petit groupe de copines, on a fêté notre succès en sautant tout habillés dans la Charente (je suis resté sur la berge, à les regarder patauger), puis en partant en vélo à Lacanau.
PRESQUE AFFRANCHI
À la fin de l'été, je me suis offert (avec mon premier salaire de manutentionnaire chez Leclerc) un superbe poste avec lecteur CD pour partir à la fac d'anglais à Talence. Mon premier compact disc, c'était un album solo de Martin Gore, l'un des musiciens de Depeche Mode. Cette année-là, j'ai acheté une trentaine d'albums, dont "Painkiller" de Judas Priest, "Tubular Bells 2" de Mike Oldfield, "Bassanova" de Pixies et, bien sûr, le "Nevermind" de Nirvana. J'en ai acheté encore plus l'année suivante. L'une de mes colocataires avait une mini télé en noir et blanc. Je la lui empruntais souvent à partir du second semestre et regardais toutes les séries qui passaient sur la 5 au lieu d'aller en cours. La fac m'ennuyait. Je n'y voyais absolument aucune perspective d'avenir et il n'était pas question que je devienne prof, comme les darons. Et surtout, je n'ai jamais eu le courage de tenter une école de journalisme ou de bande dessinée. J'avais peur que mes parents ne me soutiennent pas.
Le soir, il n'était pas rare que j'aille me faire une petite toile à l'UGC à Bordeaux, ou que je m'envoie un petit cocktail au "Bœuf sur le toit" avec des copains, après avoir passé mon après-midi à fureter dans les rayonnages du Virgin Mégastore de Gambetta. On se terminait au "Cabaret bordelais", une boite en sous sol avec des voûtes apparentes située vers la place du Parlement. Je rentrais à mon appartement avec le dernier bus pour Talence, ou à pieds. C'était la belle vie, insouciante et désinvolte, presque libre. Quand j'y repense, j'ai un peu honte d'avoir autant profité de mes parents, pendant cette période.
Mais qui ne l'a jamais fait ?
J'avais 19 ans quand j'ai rencontré ma première "vraie" petite amie, une lectrice anglaise un peu plus âgée que moi avec laquelle je suis resté deux ans. La seconde année, elle a eu pour projet de partir travailler pendant l'été aux USA. J'aimais bien l'idée, et si je n'avais pas eu autant la flemme de remplir les papiers, je l'aurais suivie volontiers. Mais que voulez-vous, on ne lutte pas contre sa nature. La flemme, c'est une constante inamovible dans ma personnalité. Mais pour ma copine, c'était comme une preuve (de plus) de mon manque de maturité et d'investissement dans notre relation. Du moins est-ce ainsi que je l'ai interprété. De mon côté, je voyais de plus en plus la distance physique et ce voyage avorté comme un signe que ça ne pourrait pas fonctionner entre nous. Or je marche beaucoup avec les signes. Ça me donne une bonne raison de faire - ou de ne pas faire - les choses. Alors je l'ai quittée. Sur le coup, ça m'a rendu très malheureux mais c'était pour le mieux, au final : elle a rencontré celui qui deviendrait son futur mari et le père de ses deux filles pendant ce voyage aux USA ! Encore un signe...
Le fait d'avoir raté mes études et déçu mes parents, ajouté à cette séparation douloureuse, m'a poussé à tout lâcher. Après la seconde année, j'ai décidé d'effectuer mon service national (obligatoire) à l'armée. J'avais sans doute besoin d'un bon coup de pied aux fesses, et c'était en quelque sorte l'occasion qui faisait le larron.
À SUIVRE...
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