Voici le rendu de ma dernière participation aux ateliers d'écriture de Mauléon. Sophie Pavlovsky nous a fait écrire des suites de mots sur le mode du scrabble et sans aucune relation entre eux. Il fallait ensuite écrire un texte à partir du résultat. Pas si facile, en somme... Voici les mots choisis par chacun des six participants de cette session (les miens sont ceux en gras) : "Anniversaire", "tactile", "alambic", "versatile", "sceptique", "énergumène", "redevable", "brise-lames", "pick-pocket", "invention", "kangourou", "rouquin". Il m'a bien fallu 5 minutes pour faire le vide en moi, puis trouver une méthode. J'ai choisi la méthode "scolaire" en faisant deux groupes : les noms avec les noms, les adjectifs avec les adjectifs. Ensuite, j'ai établi des correspondances entre chaque élément de groupe, à l'intuition. J'avais déjà un bon début. Le reste s'est calé tout seul, sans effort.
Et voilà le résultat :
Ça, pour un anniversaire pourri, c'en était un beau! Ma femme s'était mis en tête de me faire une petite surprise; elle avait organisé une fête à mon insu, pour me faire plaisir, sans doute. Elle avait d'abord invité un panel de personnes dont elle pensait qu'elles étaient de mes amis. Manque de chance, tous ceux qui me gravitent autour ne sont qu'énergumènes versatiles ou pick-pockets un peu trop tactiles. Bref, des gens peu fréquentables, si vous voulez mon avis. D'ailleurs, je le lui aurais bien donné, mon avis très sceptique, si elle me l'avait demandé... Qui a dit qu'on devait obligatoirement fêter ses 40 ans ?Passée la stupeur de cette invention grotesque autant que convenue et triste, les convives eurent la bonne idée de me faire participer à leurs jeux stupides. Les yeux bandés, on me conduisit jusqu'à un endroit venteux. Des embruns salés fouettaient mon visage.
̶ Aie confiance en nous, mon chéri, tu vas faire ton premier saut à l'élastique en aveugle. C'est un de tes cadeaux. Tu vas adorer : c'est la grande mode en ce moment, fit mon épouse tandis qu'on m'arnachait dans tous les sens.
̶ Ça y-est, tu es bien arrimé. Avance doucement jusqu'au bord de la planche, glissa celui de mes collègues, réputé pour sa témérité et son attrait irrésistible pour les sports dangereux, que je reconnus à la voix.
̶ On aurait quand même pu me demander mon point de vue, avant de me mettre devant le fait accompli, ralais-je, pour la forme. Je peux enlever ce foutu masque maintenant ?
̶ Surtout pas, mon chéri. C'est ça qui donne le piment.
̶ Elle a raison, tu sais ? Et puis il n'y a que 150 mètres en dessous. Tu ne risques rien : on tiens à toi, tu sais ?
Tout, plutôt que de supporter ces simagrées une minute de plus. J'avançais jusqu'au bout du plongeoir et, les bras écartés tel un Jésus suicidaire, me laissais tomber dans le vide.PLOUF!"Très drôle", pensais-je, tout en remontant à la surface, tandis que j'ôtais la cagoule détrempée de mon visage blême pour voir toute la bande d'abrutis se bidonner sur le brise-lames. J'avais fait un plongeon de 150 centimètres dans l'eau de mer. Trempé jusqu'aux os d'une eau à 13°, je fis néanmoins mine de trouver la blague à mon goût, lorsque Richard, le grand rouquin à l'humour tordu, me tendit son ridicule trophée en s'esclaffant :
̶ Un saut unique au monde ! Tu mérites bien ton Kangourou d'or !
"Rigolez, rigolez, mais quelqu'un me sera redevable de ce mauvais tour, croyez-moi", me jurais-je alors!Et croyez-le ou non, monsieur le gendarme, ça n'a pas traîné ! Arrivé à la maison, j'offris ma tournée générale d'eau-de-vie de "première chauffe", tout juste sortie de l'alambic. 70°, c'est idéal pour se réchauffer le corps après pareille aventure ! Lorsque tout le monde fut enfin saoûl, je refermai le chai et y mis le feu. Cela fit un magnifique feu d'artifice au parfum de cognac flambé, à rendre jaloux n'importe quel technicien de Lacroix-Ruggieri!Finalement, avec le recul, je crois que je n'ai jamais fêté plus bel anniversaire...
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