jeudi 29 mars 2012

JONQUILLE

Hier, le sujet de l'atelier d'écriture de Mauléon était un vrai challenge pour moi. J'aurais pu j'aurais dû m'essayer à quelque chose de nouveau, de différent. Au lieu de ça, par facilité (et manque flagrant d'inspiration) j'ai fait du "Etienne" pur jus.
Ce coup-ci, il fallait écrire le nom d'un végétal sur un bout de papier puis choisir dans le tas, au milieu de la table et écrire son histoire.
Maïtena a eu "l'immortelle", Marguerite "le poireau", Marc "le perce-neige", Pierre (Gastéréguy) "le saule pleureur", Michelle "la digitale pourpre", Sophie "l'asperge", Samuel a tiré "la jonquille", mais, pas inspiré, a décidé de faire un hors sujet sur "l'éphémère" (qui n'est pas un végétal, mais un insecte). Moi je suis aussi tombé sur "la jonquille", qui avait été écrite en doublon.
Chacun s'en est remarquablement tiré, comme d'habitude.
Mais bon, en ce qui me concerne, vous le savez, la poésie n'est pas mon fort. Voici ce que j'ai pondu :

J'aurais pu pousser dans un jardin fleuri, dans un massif ombragé, entre des roses et un buisson de lavande, repiquée par une mamie à la main verte. Mais le destin en a décidé autrement. Moi, je suis née sur les flancs d'une montagne de Soule que les gens du coin appellent Etxekortia. Ici, pas un humain irrespectueux pour me décapiter avant l'heure, pas un chien du quartier pour me baptiser de son urine. Non messieurs-dames, moi, j'ai droit au pipi du renard, à la bave du sanglier, aux fientes des vautours fauves et aux crottes de lapins! Heureusement, je ne serais plus là bien avant l'arrivée des cohortes de brebis estivantes.
Oh, je ne me plains pas de ma situation : c'est toujours la Nature, n'est-ce pas? Et puis, l'avantage d'être accrochée au karst des Arbailles, c'est que le vent de sud balaye régulièrement les mauvaises odeurs et rehausse mon propre parfum et celui de mes innombrables jumelles. Ici, je suis libre et ma blondeur peut rivaliser sans honte avec celle du soleil.
Oh, c'est vrai que je suis nettement moins belle, moins grande et moins prisée que le lys des Pyrénées, la fleur des rois, la reine de la montagne! Mais la jalousie est un concept que j'ignore. J'existe pour moi. D'ailleurs, le propre du "narcisse" n'est-il pas de n'avoir d'yeux que pour soi-même?
Mais n'allez pas croire que j'ai un égo surdimensionné : j'existe aussi pour les insectes, qui viennent s'abreuver à mon nectar. Sans moi, ce qui reste des abeilles sauvages devrait se contenter de faire le miel avec le pollen âcre des pâquerettes ou celui, insipide, des pissenlits!
Et je puis vous assurer qu'elles savent où trouver des produits de qualité, nos petites ouvrières du ciel.
Lorsqu'il pleut, il n'est pas rare que ma corolle orangée leur serve d'abri, pour se protéger des larmes meurtrières. Car oui, je suis aussi une héroïne qui s'ignore...
Je sais bien que je vais faner et mourir avant l'été, mais je sais aussi que je renaîtrai de mon bulbe au printemps prochain, et aux suivants si tout va bien. En fait, je suis bien plus forte que le lys : je suis éphémère, et immortelle à la fois !

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