Il y a un mois, Sophie Pavlovsky nous a proposé un autre exercice d'écriture assez amusant : chacun d'entre nous devait rédiger une phrase sur un bout de papier, sans savoir ce que les autres avaient écrit et avec pour seul dénominateur commun qu'elles soient tournées au futur de l'indicatif.
Ensuite, il fallait assembler tout ça dans l'ordre que l'on voulait, pour en faire un texte cohérent (et si possible un peu littéraire).
Là encore, bizarrement, je n'ai pas eu à réfléchir beaucoup pour produire quelque chose. C'est venu tout seul. J'ai d'abord regroupé toutes les phrases qui me semblaient aller ensemble en paragraphes, et j'ai laissé le délire s'installer tout seul...
Voici les fameuses dix phrases, fidèlement rangées dans l'ordre qu'elles nous ont été dictées :
- Un jour, j'irai en amérique.
- J'irai sur la lune avec mon ami Pierrot.
- Je vivrai bientôt dans la campagne, avec le silence pour ami.
- A la fin de l'année, je prendrai de bonnes résolutions.
- Dans une vie future, la Terre sera belle et abritera l'homme pacifiste.
- Lulu montera en haut de la tour, poursuivie par les brigands, elle se retournera, révolver au poing : Pan!, Pan!, elle les tuera l'un après l'autre.
- Quand je serai présidente, j'abolirai l'esclavage.
- Et je m'émerveillerai la première et toi, tu te retourneras, altière et étrangère.
- Je n'emporterai rien d'autre.
- La couleur sera rouge.
Et voici ma participation (j'ai rajouté depuis les cinq derniers mots de la fin, qui se sont imposés à moi juste après que j'aie eu terminé ma lecture) :
Elle avait toujours de grandes et belles idées, Lulu. Elle se rêvait en sauveur de l'humanité et ne ratait jamais une occasion de se présenter à un scrutin, qu'elle perdait invariablement. De temps en temps, lorsqu'elle était atteinte d'une de ses frénésies électorale - autant dire à chaque fois qu'une mouche la piquait-, elle nous gratifiait d'une de ses longues tirades optimistes autant qu'absurdes :
— Lorsque je serai élue, à la fin de l'année, je prendrai de bonnes résolutions : oui, mes amies, quand je serai présidente, j'abolirai l'esclavage, si bien que dans une vie future, la Terre sera belle et abritera l'homme pacifiste !
Quant à moi, eh bien j'adorais la mettre en boite! Plus par vrai soucis de lui ouvrir enfin les yeux, que de réellement me moquer d'elle, d'ailleurs, mais je prenais quand même grand plaisir à essayer de courir encore plus vite sur la route sinueuse et glissante de la joute verbale surréaliste. Je répliquais toujours quelque chose comme :
— Et bien moi, un jour j'irai en Amérique, et je n'emporterai rien d'autre que ma carabine ! J'irai m'isoler et je vivrai bientôt dans la campagne, avec le silence pour ami.
Vous pouviez être certains que la taquine Sylvie m'emboitait le pas, allant encore plus loin dans les déclarations irrationnelles :
— Quel manque d'ambition, les filles! Je vous bats toutes les deux, parce que moi, j'irai sur la lune avec mon ami Pierrot. Le ciel sera d'or, et je m'émerveillerai la première et toi, tu te retourneras, altière et étrangère, Corinne!
Bien sûr, Lulu captait la dérision immédiatement et lâchait un soupir, désolée par ce manque flagrant de compréhension envers ses pourtant altruistes motivations.
— Vous ne comprenez rien à la politique, de toute façon!
— Disons que c'est plutôt toi qui n'as pas le profil, Lulu... C'est un monde de bandits de grands chemins. Tu te ferais dévorer toute crue par le premier député Modem du coin, avant même d'avoir pu proposer tes grandes idées!
— Sincèrement, Corinne a raison, Lulu! Avec ton caractère vindicatif, tu aurais plus de chances de réussite en tant que justicière masquée qu'en tant qu'élue, fut-ce d'un minuscule village de cent habitants.
Et ainsi, devant les joues cramoisies de honte de notre interlocutrice, qui n'osait plus nous interrompre, nous devisions sur les aventures extraordinaires de "Lulu la vengeuse de New York".
— En fait, elle combattra le crime dans la grosse pomme pourrie et sera encore plus célèbre que Batman...
— Ah oui, s'esclaffait Sylvie. Et un jour qu'elle aura un peu trop nargué l'irritable caïd local, elle fuira à toutes jambes dans Manhattan, jusqu'à l'Empire State Building. Par l'escalier, Lulu montera en haut de la tour, poursuivie par les brigands, elle se retournera, révolver au poing : Pan!, Pan!, elle les tuera l'un après l'autre. Et sur les marches et jusqu'en bas, la couleur sera rouge... Tout comme ses idées politiques!
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